Opération discrétion absolue à Béziers

Nous ne pensions pas reparler de sitôt des talents de gestionnaire de Robert Margé. À vrai dire, comme indiqué dans l’article consacré aux comptes 2017 de la SAS du Plateau de Valras, nous imaginions plutôt annoncer son enterrement au vu du passif énorme qui ne peut déboucher que sur un état de cessation de paiement si la société devait compter uniquement sur sa rentabilité. Mais le monde de la torturomachie est vraiment à part et il réserve bien des surprises, y compris, comme nous l’avons constaté à maintes reprises, en matière comptable et fiscale.

Changement de date de clôture

Qu’est-ce qui nous amène si vite à parler des comptes 2018 de la société de Robert Margé ? Tout simplement le fait que ce dernier a décidé de modifier la date de clôture de sa structure. Initialement fixée au 31 décembre, cette date a été ramenée au 31 août, ce qui s’est traduit en 2018 par le dépôt de comptes relatifs à un exercice de huit mois. Opération parfaitement légale, contrairement à la rétention de TVA…

Pourquoi une telle décision ? Pour que la clôture de l’exercice se réalise le même mois que la féria de la ville durant laquelle Robert Margé réalise la quasi-intégralité de ses recettes grâce aux séances de torture qu’il y propose ? Ou alors, afin de présenter un bilan moins calamiteux à son mandataire judiciaire que s’il s’était clôturé à la date habituelle, les quatre derniers mois de l’année civile étant synonymes de recettes quasi-inexistantes face à des charges forcément nettement supérieures ?

Seul Robert Margé le sait. De notre côté, contentons-nous d’analyser les derniers comptes déposés.

Bénéfice record qu’il faut dissimuler

Lorsque nous prenons connaissance des comptes 2018, nous sommes plutôt surpris : la SAS du Plateau de Valras a été capable de dégager un bénéfice de 135 754 € sur cet exercice de huit mois. Qu’est-ce qui explique ce niveau de bénéfice jamais atteint depuis longtemps ? Rappelons que celui de 2017 s’était établi à 21 854 € et en 2015 à 32 969 €. Quant aux années 2014 et 2016, elles avaient été marquées par deux bouillons financiers de -345 580 € et -446 455 €. Une hausse substantielle des recettes aux guichets ? Pas du tout. Le chiffre d’affaires affiché s’élève à 1 308 684 €. Comparé à l’année précédente, il est en baisse de 161 056 € (-12,3 %).

Certains argueront que l’exercice 2018 n’a duré que huit mois. Mais comme indiqué précédemment, en dehors de la semaine de féria du mois d’août, il ne se passe rien en dehors de quelques galas taurins où, dans une arène d’une capacité de 13 000 places, quelques dizaines de désœuvrés, souvent entrés gratuitement, viennent reluquer un bovin se vider de son sang sous les coups d’épée d’un sadique en paillettes. Nos amis militants locaux s’y sont rendus à plusieurs reprises pour le constater.

 

Il faut donc chercher l’origine de cette embellie comptable ailleurs. À part qu’il n’est pas possible de le faire car Robert Margé a, comme l’année précédente, pris soin de ne pas déposer au greffe le compte de résultat de l’exercice et a ordonné à son commissaire aux comptes d’en faire de même. Ce dernier l’écrit noir sur blanc dans son rapport : « En raison d’une clause de confidentialité signée par le Président de votre société, le présent exemplaire de notre rapport sur les comptes annuels est uniquement destiné aux fins de publication et ne comprend que le bilan. »

Une tradition ininterrompue des entrepreneurs aficionados : clamer partout que la corrida est une activité rentable et indispensable pour le tissu économique local et, dès lors qu’il existe des chiffres qui attestent ces arguments, les dissimuler par tous les moyens.

Pourquoi une telle attitude ? Ces chiffres contiendraient-ils des éléments susceptibles de choquer l’opinion publique ? Des pratiques pas très réglementaires d’un point de vue fiscal ? Des détails remettant totalement en cause le bien-fondé du résultat affiché ?

Quoi qu’il en soit, nous nous limiterons au seul bilan de la société qui, lui aussi, pose question.

Une trésorerie qui explose

Au 31/12/2017, la SAS du Plateau de Valras affichait une trésorerie de 492 409 €. Huit mois plus tard, cette trésorerie atteint 843 463 €, soit une augmentation de 351 054 €. Qu’est-ce qui peut expliquer une telle variation ? Essentiellement deux éléments. Le premier, compréhensible par tout un chacun, est le fait que la société réalise du bénéfice qui se traduit en cash. Le second, un peu plus technique, est que toute entreprise peut voir sa trésorerie augmenter ou diminuer indépendamment du résultat réalisé au cours de l’année. En effet, elle dispose de créances sur ses clients et de dettes envers ses fournisseurs, les organismes sociaux, l’administration fiscale, etc.

Plus ses clients vont la régler rapidement, plus la trésorerie va varier positivement (et inversement). Parallèlement, plus elle va tarder à régler ses dettes, moins vite le cash sortira de son compte en banque (et vice-versa). La combinaison de ces deux paramètres peut donc amener, à résultat égal, à des situations de trésorerie totalement différentes.

Qu’en est-il pour Robert Margé ? Si nous comparons les exercices 2017 et 2018 :

  • les créances sur les clients ont augmenté de 168 983 €
  • les dettes envers les tiers ont augmenté de 366 285 €.

Selon ce que nous venons d’exposer, cela signifie donc que les clients ont réglé leurs dus moins vite à hauteur de 168 983 € (donc une rentrée de trésorerie moindre pour la société) alors que dans le même temps, les fournisseurs ont été payés moins rapidement à hauteur de 366 285 € (donc une sortie de trésorerie moindre de même montant).

Globalement, par différentiel, la trésorerie a donc pu s’embellir de 197 302 € grâce au jeu des délais de règlements des créances et dettes. Sur les 351 054 € d’augmentation de la trésorerie susmentionnée, il reste donc 153 752 € qui s’explique uniquement par l’activité de l’entreprise au cours des huit mois d’activité.

Il existe donc bien des recettes autres que le chiffre d’affaires habituel et/ou des économies de charges qui sont intervenues durant l’exercice 2018. Quelle est la nature exacte de ces éléments ? Subventions publiques ? Ristourne sur la location des arènes ? Nous l’ignorons, mais une chose est sûre : Robert Margé a estimé qu’il fallait absolument la dissimuler.

Décidément, dans le monde de l’aficion, l’exubérance n’est de mise que devant un taureau supplicié et au bord de l’agonie.

David Joly
Trésorier FLAC et No Corrida

En France, les apprentis toreros tuent des veaux dès l’âge de 13 ans dans des arènes privées

Lorsqu’on demande aux responsables des écoles taurines française si leurs élèves sont exposés à des vrais animaux qu’ils s’entraînent à tuer, la réponse est unanime : non, cela n’arrive jamais. Et quand on soupçonne, parce que c’est simplement logique, que ces apprentis tortionnaires se font la main dans des arènes privées, même dénégation. De fait, il n’existe aucune preuve filmée de tels agissements dans le domaine public.

Pourtant, il suffit de quelques secondes pour apporter la preuve que tout cela est bien vrai. C’est ce que nous avons fait en recherchant des informations publiques sur la carrière d’Andy Younès, né le 30 mai 1997. Pourquoi lui ? Parce qu’il était l’un des novilleros dans l’arène de Rions-des-Landes le jour où un peu plus d’une cetaine de militants anticorrida l’ont envahie, puis encerclée pendant des heures malgré les violences policières à leur encontre. A l’époque de ces faits, nous avions eu accès à son contrat, qui faisait figurer aussi bien sa date de naissance que celle de la novillada où il allait tuer un veau âgé de 3 ans environ.

Il se trouve qu’Andy Younès a ensuite poursuivi sa carrière en devenant officiellement matador de taureaux fin 2017. Et donc, que sa biographie est facilement accessible sur internet. Nous avons donc vérifié s’il avait bien toréé et tué des veaux avant cette novillada de Rions où il avait 16 ans à peine révolus.

Les informations qu’il donne lui-même sont sans aucune équivoque.

  • Il a bien été exposé à des animaux vivants et non des mannequins sur roulettes dès l’âge de 13 ans : “Durant cet hiver 2010, le maestro Thomas Dufau l’invita à plusieurs reprises à des tentaderos lui permettant ainsi de se retrouver face à des bêtes“.
  • Il a mis à mort son premier jeune veau alors qu’il avait 13 ou 14 ans (becerro = veau âgé de 1 à 2 ans, une pratique qui soi-disant n’existe pas en France selon les aficionados) : “En 2011 […] il put mettre à mort son premier becerro de la ganaderia Mari Carmen Camacho chez Roumanille“.
  • Il a tué au moins quatre autre veaux à l’âge de 15 ans dans une arène privée : “En 2012, à nouveau il toréa une quinzaine de capéas, participa à 5 classes pratiques et mit à mort 4 becerros en privé.
  • Il a bien sûr continué et multiplié les séances avec mise à mort quand il avait 15 ans : “En 2013, Andy toréa une quinzaine de capéas, n’ayant toujours pas l’âge légal pour participer à des Novillades. Le 16 juin 2013, il débuta en novillade sans picadors à Aire sur l’Adour où il coupa 2 oreilles aux « erales » des Frères Bats. Durant cette temporada, il toréa 5 autres novillades, 2 classes pratiques et un festival.
  • Et il a suivi de nombreuses “préparations” avant d’avoir 16 ans avec entre autres Juan Bautista et Sébastien Castella : “2014 fut pour Andy une année de préparation des plus intenses […].  Au cours de cette période, le maestro Juan Bautista à nouveau l’aida et l’appuya le faisant « tienter » à ses côtés à de nombreuses reprises et l’aiguillant pour le futur de sa jeune carrière. Les préparations au « campo » s’enchaînèrent, notamment avec le maestro Sebastien Castella, des préparations qui se déroulèrent en France mais aussi en Espagne“.

Il est donc clairement établi qu’en France, à notre époque, des jeunes commencent à affronter des animaux à partir de 13 ans, s’entraînent à les tuer dans des arènes privées et se forment en ce sens avec des toreros professionnels avant d’atteindre l’âge de 16 ans, seul âge légal auquel ils ont le “droit” de se produire dans des arènes publiques.

Roger Lahana
Secrétaire fédéral de la FLAC

Casas, grand spécialiste des bilans tordus

Ça y est, ils sont enfin disponibles. Les comptes de la société de Simon Casas n’ont rien à envier aux plus grandes rock stars : ils savent aussi bien qu’elles se faire longuement attendre afin de démultiplier l’effet de liesse lorsqu’ils apparaissent.

À part que la dernière chose dont Simon Casas a envie dans cet exercice, c’est d’attirer l’œil du public et de l’administration fiscale. Non, lui préfère alors, et pour une fois, la discrétion au faste et à l’exubérance. Qui plus est encore sur ces comptes de l’année 2017 car, comme nous allons le voir, ils n’ont rien à envier à leurs prédécesseurs en termes de cuisine comptable et fiscale.

Presque un an d’attente

Commençons par rappeler le cadre légal de la validation des comptes annuels d’une société : ces derniers doivent être approuvés lors d’une assemblée générale qui se tient au plus tard six mois après la date de clôture de l’exercice. S’en suit un dépôt au greffe du tribunal de commerce dont dépend la société au maximum 30 jours après la date d’assemblée.

Les comptes de la société Simon Casas production auraient donc dû, en théorie, être approuvés au plus tard le 30 juin 2018 et déposés au greffe avant le 31 juillet. Cependant, Simon Casas a sollicité un délai supplémentaire auprès du greffe du tribunal de commerce de Nîmes au motif de certaines difficultés rencontrées dans la production de ces comptes.

Délai accordé par le greffe dont la tradition locale ininterrompue est de laisser Simon Casas faire tout ce que bon lui semble, au plus grand mépris du Code de commerce. C’est ainsi que, au cours des 11 dernières années, Simon Casas n’a pas déposé les comptes de la SARL Simon Casas Services, une autre de ses sociétés, à 10 reprises, sans que le greffe ne trouve rien à redire et n’applique aucune sanction. Les comptes de l’exercice 2017 ont donc été enregistrés le… 14 décembre 2018. Autrement dit, à quelques jours près, ils étaient déposés alors que l’exercice suivant était déjà fini.

Des comptes erronés les années précédentes

Lorsque l’on prend connaissance de ces comptes, on se dit que la corrida a trouvé un second souffle (et même un troisième) au sein de la capitale gardoise. Rendez-vous compte : le chiffre d’affaires de la société Simon Casas production est passé de 4 millions d’euros en 2016 à 7,2 millions en 2017, soit une progression de 78 % !

À quoi est due cette performance économique hors norme ? À un intérêt soudain pour la corrida de la part de nombreux citoyens ? Aux talents de gestionnaire de Simon Casas ? Non, tout simplement au fait que les comptes 2017 englobent les données relatives à un établissement basé en Espagne.

Et c’est à partir de là que ça devient comique (ou tragique, c’est selon). L’annexe des comptes nous explique le pourquoi du comment et c’est d’une logique implacable. Extrait :

Depuis 2015, la SAS SIMON CASAS PRODUCTION détient un établissement stable dénommé SIMON CASAS PRODUCTION, SAS, SUCURSAL EN ESPANA, situé à Valence, en Espagne.
[…] Sur les exercices antérieurs, la situation comptable de l’établissement stable n’a pas été intégrée dans les comptes sociaux de SIMON CASAS PRODUCTION. Les règles comptables prévoient en effet de reprendre les mouvements passés tant au débit qu’au crédit du compte de résultat de l’établissement et les soldes des comptes du bilan de cet établissement, puis de les intégrer dans les comptes de résultat et le bilan en totalité, en éliminant les comptes réciproques (comptes de liaison) et les opérations internes.
Les comptes 2016 ont donc été corrigés afin d’ajouter les comptes de l’établissement stable aux comptes de SIMON CASAS PRODUCTION. L’impact de la correction d’erreurs a été comptabilisé en capitaux propres.
Traduction : les règles comptables prévoient qu’il faut intégrer les mouvements de l’établissement secondaire, et c’est la raison pour laquelle nous ne le faisions pas…

Le cabinet comptable de Simon Casas a donc rectifié le tir un an plus tard en intégrant 2016… mais pas 2015. Pourquoi donc, puisqu’il est stipulé noir sur blanc, comme nous venons de le voir, que l’établissement de Valence est détenu depuis 2015 ?

Peut-être parce les éléments de 2015 n’ont pas été déclarés en Espagne à l’époque et que l’on s’est dit que ce serait dommage de le faire maintenant en France, alors que fin 2018 on pourrait bénéficier de la prescription fiscale ? Bien sûr que non, quel mauvais esprit, ce n’est pas du tout le genre de Simon Casas…

Un écran de fumée

Qu’est-ce qui a décidé la société Simon Casas Production à se mettre en ordre de marche à compter de 2017 ? Un risque fiscal qui devenait trop grand ? Ou la volonté de masquer la chute de son activité en France qui s’accélère ?

Le rapport de gestion de l’exercice nous démontre en tout cas que l’année 2017 n’a fait que confirmer le déclin de cette non-tradition française qu’est la corrida. Car si l’on ne prend que le chiffre d’affaires réalisé en France, ce n’est plus une hausse de 78 % que l’on constate mais une nouvelle baisse de 14 %, après celle de 7 % déjà constatée en 2016.

Face à cette réalité qui se confirme d’année en année, n’importe quel dirigeant ferait profil bas. Mais pas Simon Casas qui n’hésite pas à écrire que l’année 2018 s’annonce favorablement et devrait permettre une progression de la fréquentation malgré la poursuite des mesures contraignantes des mesures liées à la sécurité.

Rappelons que les comptes 2017 ont été produits très tardivement et que le rapport de gestion a été rédigé en date du 25 octobre 2018. À cette date où les deux ferias annuelles habituelles ont eu lieu, Simon Casas est donc capable de dire que l’année 2018 s’annonce favorablement.

Un mois et demi plus tard, le Midi libre nous apprend que la municipalité constate un déclin de 20 % des entrées payantes sur cette même année 2018. Probablement un nouveau mensonge de journaleux anti-corrida destiné à ternir l’image de cette activité économique florissante ?

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-7 % en 2016, -14 % en 2017, -20 % en 2018, Simon Casas a raison, l’avenir s’annonce radieux !

En témoigne la situation financière de sa société, dans le rouge à hauteur de presque 100 000 € au 31/12/2017. Une situation financière qui s’avèrerait beaucoup plus catastrophique si Simon Casas ne pouvait bénéficier d’argent public bien frais (51 000 euros de subventions rien que pour l’année 2017).

Et qu’en pense le Commissaire aux comptes ?

Celui-ci commence par rappeler qu’à la date du 16 octobre 2018, il a établi un rapport dit « de carence » dans lequel est indiquée l’impossibilité de procéder à la vérification des comptes annuels et du rapport de gestion, ceux-ci n’ayant pas été établis dans les délais prévus par la loi.

Puis il précise que les éléments attendus lui ont été communiqués le 30 octobre 2018, ce qui lui a permis de délivrer un rapport de certification des comptes annuels le… 30 octobre 2018, soit le même jour que celui où il a eu connaissance des éléments à contrôler.

Le commissaire aux comptes a donc été capable de mettre en œuvre l’intégralité des diligences qui lui incombent, d’arriver à la conclusion que les comptes annuels sont réguliers et sincères, et de rédiger son rapport, en moins d’un jour ouvré : une performance digne du Guinness des records, qui plus est sur une structure disposant d’un établissement à l’étranger.

À moins qu’il s’agisse de la preuve d’une légèreté et d’un manque de rigueur. Car après tout, le même « professionnel » avait déjà estimé que l’on disposait, au titre de l’année 2016, de comptes réguliers, sincères et donnant une image fidèle de l’entreprise. Des comptes tellement réguliers et sincères qu’il y manquait la bagatelle de 270 000 € provenant d’Espagne et réincorporés de ce fait en 2017.

Comme dirait Simon Casas, tout cela n’est pas bien grave, car la corrida a un bel avenir devant elle et l’année 2019 s’annonce à coup sûr plus que favorable (ce qui, en langage d’entrepreneur aficionado, veut probablement dire autour de -25 % d’entrées si on a bien suivi la progression des années précédentes).

C’est ce que nous aurons certainement le plaisir de constater lorsque nous prendrons connaissance de ses comptes 2019… si ces derniers sont déposés un jour. Car après tout, qu’est-ce qui obligerait Simon Casas à le faire ? Certainement pas l’irresponsabilité du greffier de Nîmes qui l’encourage depuis plus de dix ans à s’asseoir sur la loi et le Code de commerce.

David Joly
Trésorier FLAC et No Corrida

A lire en complément : Corridas à Nîmes, on ne change pas un système qui perd

Double succès pour l’exposition anticorrida « L’autre réalité de la corrida » à Béziers

L’exposition anticorrida itinérante « L’autre réalité de la corrida » a reçu un double succès lors de son installation à Béziers, les 26 et 27 octobre 2018. La première édition s’était déroulée à Bordeaux, suscitant des réactions enthousiastes unanimes.

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Pour cette nouvelle présentation, la FLAC, en collaboration active avec No Corrida, avait pris le risque de choisir la deuxième place taurine de France en terme de réputation, Béziers, et dans son lieu le plus prestigieux, le Palais des Congrès. Saluons l’attitude parfaite du maire de la ville, Robert Ménard, tout au long de cet événement alors qu’il subissait des pressions ahurissantes du milieu taurin local.

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Les aficionados biterrois se déchirent avec le maire en raison de notre simple présence

Ce pugilat étalé sur la place publique par médias interposés a constitué une première réussite pour nous : rendre les aficionados furieux du simple fait de notre présence, au point de s’en prendre violemment au maire qui est lui-même sans aucun doute procorrida, mais qui n’en oublie pas pour autant de respecter la liberté d’expression, ce qui est tout à son crédit.

Le lobby taurin a utilisé des mots d’une rare violence pour tenter de nous dénier ce droit pourtant garanti par notre Constitution, allant jusqu’à qualifier notre simple présence de « viol du sol de Béziers ». Relevons l’incroyable outrance ainsi que le mépris total pour la liberté d’expression et de circulation d’oser nous comparer à des violeurs, s’agissant d’une exposition de photos et de citations de personnalités anticorrida, aussi pacifique que légale, et prétendre que la ville de Béziers serait une sorte de mausolée au-dessus des lois dans lequel il est interdit, voire profanateur, de se trouver si on n’aime pas les corridas.

Avouons-le, ces diatribes nous ont fait beaucoup rire tellement elles étaient boursouflées de bêtise, démesurées et délirantes. Nous les avons d’ailleurs affichées au sein de l’exposition.

La cérémonie de clôture a connu une belle fréquentation

Une bonne centaine de personnes se sont pressées à la cérémonie de clôture et il s’agit là du second succès de notre exposition qui a ainsi montré qu’elle pouvait obtenir une belle fréquentation, y compris dans un lieu aussi hostile à nos convictions. Dans un souci de dialogue, les principales figures taurines françaises ont été invitées à la cérémonie, et particulièrement les clubs taurins biterrois. Quelques rares aficionados sont passés lors des deux jours, mais aucun n’était là lors des prises de paroles et des discussions lorsque Thierry Hély, président de la FLAC, leur a proposé d’intervenir s’ils le souhaitaient. Pas sûr que nous aurions bénéficié des mêmes égards s’il s’était agi d’une manifestation procorrida.

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Quoi qu’il en soit, après avoir fait beaucoup de bruit dans les médias et sur les réseaux sociaux en affirmant sur tous les tons qu’ils viendraient et seraient « vigilants », ils se sont déballonnés, comme toujours, en brillant par leur absence. Trois exceptions tout de même, pendant un moment creux où ils étaient les seuls présents : Hugues Bousquet, alias « le taure roge », farouche défenseur de la corrida à Béziers, Stephan Guin, chroniqueur taurin au Midi Libre et, surtout, Benoît d’Abbadie, chargé des spectacles taurins à la mairie de Béziers, qui sont venus débattre avec nous.

Pour l’anecdote, ce dernier, par exemple, dans son argumentaire, s’est complètement mélangé les pinceaux en admettant que le combat entre le taureau et le torero était effectivement « inégal mais loyal« . Ah bon ? lui avons-nous répondu, mais si c’est inégal, cela ne peut pas être loyal ? Il y a une nuance sémantique qui nous échappe ? Expliquez-nous ? Réponse : « Euh, oui, en effet, mais bon… on ne se comprendra jamais !« . Les échanges furent parfois un peu rudes, mais sont restés toujours respectueux.

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Des interventions riches d’informations

Lors des prises de paroles animées par Thierry Hély, David Joly et Roger Lahana – respectivement président, trésorier et secrétaire fédéral de la FLAC – divers sujets de fond ont été présentés et ouverts aux questions de l’assistance : le recul des corridas en France et particulièrement à Béziers, les techniques de financement des corridas y compris le recours massif à la fraude fiscale pendant plusieurs années (passionnante intervention de David Joly qui a décortiqué tous ces mécanismes avec précision, en particulier les agissements de Robert Margé, de la famille Jalabert et de Simon Casas), les relations entretenues par les dirigeants de la FLAC et de No Corrida avec les députés abolitionnistes, la question majeure de l’accès des mineurs aux tortures tauromachiques que ce soit en tant que spectateurs sur les gradins des arènes ou qu’apprentis tortionnaires dans les écoles taurines françaises dont celle de Béziers, financée grassement par la mairie année après année, et bien d’autres.

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La chanteuse Stone, très engagée contre la corrida, avait tenu à être parmi nous et a fait une déclaration aussi énergique qu’émouvante sur le sujet. Parmi les personnes du public qui sont intervenues par leurs commentaires détaillés, citons Robert Clavijo, président du COLBAC, fin connaisseur de la tauromachie et du milieu taurin biterrois, et Denis Boulbès, fondateur du CAAC à Carcassonne, qui a relevé que les rares personnalités historiques mises en avant par les aficionados étaient toutes suicidaires ou gravement perturbées mentalement (Hemingway, Leiris, Montherlant, Cocteau, etc.).

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Audrey Duton, conseillère municipale à Carcassonne venue en tant que simple citoyenne, a fait une intervention remarquée sur le scandale du comportement du président du Comité départemental olympique et sportif de sa ville.

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Des soutiens multiples et prestigieux

Nous avons projeté des soutiens vidéo envoyés par la députée Samantha Cazebonne (LREM, vice-présidente du groupe d’étude Condition animale à l’Assemblée) et l’eurodéputé Pascal Durand (EELV, énergiquement engagé depuis toujours contre toutes les formes de souffrances animales à commencer par la corrida).

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Une interview vidéo du psychiatre Jean-Paul Richier a permis de mieux comprendre les mécanismes psychologiques de déni et de dissonance cognitive qui caractérisent les taurins, ainsi que le sadisme qui les habitent, au sens psychopathologique du terme. Il a également expliqué pourquoi il était impossible de dialoguer sur le fond entre anti et procorrida.

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D’où l’intérêt, dans nos efforts d’information, de nous concentrer avant tout sur le grand public et bien sûr les parlementaires à même de modifier la loi plutôt que de tenter de convaincre quelque aficionado que ce soit de changer d’avis (d’autant plus qu’ils sont devenus ultra-minoritaires en France).

Enfin, une vidéo extraite d’un documentaire de Thierry Hély, « Juste pour le plaisir », a montré l’attitude effrayante et sans pitié du public des arènes au moment de la mise à mort, riant et applaudissant pendant que l’animal supplicié agonise, tombe et meurt. A ce moment précis, la démonstration précédente du psychiatre prenait tout son sens…

Nous avions également reçu des soutiens écrits de diverses personnalités telles que Valérie Pécresse, Anne Hidalgo, Rama Yade, Yolaine de la Bigne, Corine Pelluchon, Walter Spanghero, Thyphanie Degois et d’autres. Citons également la présence de Frédéric Freund, président de l’OABA et secrétaire de l’Alliance anticorrida.

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Après les différentes interventions, l’artiste Tristan nous a interprété avec talent plusieurs chansons accompagné de sa guitare, dont bien sûr « La corrida » de Francis Cabrel et quelques compositions personnelles.

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La soirée s’est conclue par un buffet généreux – entièrement végétarien et végétalien – particulièrement succulent.

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Une exposition très demandée par plusieurs autres villes

Plusieurs villes nous ont déjà contactés pour nous demander de venir y installer notre exposition. Nous répondrons volontiers à ces demandes sympathiques au fur et à mesure de nos possibilités. N’oublions pas que nous sommes tous des bénévoles, que la logistique induite est significative et le coût conséquent – et nous, nous ne touchons aucune subvention à la différence des organisateurs de corrida, nos seules sources de financement étant nos adhérents associatifs et les dons que nous recevons.

A très bientôt ailleurs en France, dès que nous le pourrons !

Roger Lahana
Secrétaire fédéral de la FLAC, président de No Corrida

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Robert Margé : sortez les gilets de sauvetage !

Le 26 septembre 2017, nous révélions que le Président du tribunal de commerce de Béziers avait récemment engagé une procédure de sauvegarde à l’encontre de la SAS du plateau de Valras, la société de Robert Margé en charge de l’organisation des sévices graves et actes de cruauté érigés en spectacle au sein de la cité biterroise.

Comme expliqué à l’époque, il s’agit d’une sorte de sursis accordé à une société se trouvant en grande difficulté. Après une période d’observation de six mois (renouvelable une fois), le tribunal de commerce juge si ladite société est apte à poursuivre ou non son activité.

Qu’en est-il à ce jour de l’entreprise de Monsieur Margé ? Nous allons voir que le ciel est très, très loin d’être bleu azur…

Chouette, des bénéfices !

Bien que fervents adversaires de la barbarie des arènes, il est de notre devoir de rester un minimum objectif et de ne pas tout peindre en noir au simple motif que Monsieur Margé en est, lui, un adepte.

Saluons donc son exercice 2017 qui a permis de renouer avec des résultats positifs puisque la SAS du plateau de Valras affiche un bénéfice de 21 854 €. Nous ne saurons pas comment s’est précisément formé ce bénéfice puisque, depuis que Monsieur Margé sait que nous nous intéressons à ses comptes, il prend bien soin de ne déposer au greffe que le strict minimum légal. Étrange, lui qui préfère de très loin le faste à la discrétion.

Après la perte de près d’un demi-million d’euros réalisée en 2016, il s’agit là d’une performance exceptionnelle.

Les mauvaises langues diront qu’à ce rythme et qu’au vu de l’état déplorable des pertes cumulées (461 622 €), il va falloir pas moins de 21 années consécutives afin de les combler.

Après tout, pourquoi pas ? Eh bien parce que d’une part, la torturomachie aura disparu depuis bien longtemps. Et, d’autre part, parce qu’il y a de fortes chances que Monsieur le juge fasse très bientôt entendre le clap de fin.

Messieurs les créanciers, croisez les doigts

En effet, comme indiqué précédemment, une procédure de sauvegarde est ouverte depuis le 13 septembre 2017, à l’initiative du tribunal de commerce de Béziers qui a jugé utile de nommer un mandataire judiciaire.
Après une période d’observation de neuf mois, un état des créances a été déposé au greffe le 12 juin 2018. Cet état est censé reprendre l’ensemble des dettes nées avant le lancement de la procédure de sauvegarde.
Le juge en charge du dossier peut alors statuer en faveur de la mise en place d’un plan de remboursement s’il estime que la société présente toutes les garanties pour respecter les échéances de remboursement qui s’étalent sur une période maximale de dix ans. Sans quoi, l’option du redressement judiciaire ou de la liquidation judiciaire est enclenchée.

Avec un passif affiché d’un million d’euros, les échéances risquent d’être lourdes.

Un commissaire aux comptes qui prépare sa défense

Quelle sera donc la suite donnée à ce dépôt d’état des créances ? Nous l’ignorons. Cependant, il y a un individu qui la voit plutôt d’un mauvais œil et qui semble penser que la situation commence à sentir très fortement le soufre. Cet individu est ni plus ni moins que le commissaire aux comptes de la société.

Pour rappel, ce dernier a pour mission de réaliser un audit afin de vérifier que les comptes annuels établis présentent un degré de régularité et de sincérité conforme aux normes légales.

Le rapport relatif à 2017 a été établi le 28 juin 2018, soit seize jours après le dépôt d’état des créances dont il avait, par conséquent, pleinement connaissance.

Depuis plusieurs années, le rapport dudit commissaire aux comptes ne dépasse jamais les deux pages. Pour l’exercice 2017, ce n’est pas moins de quatre pages où l’auteur ne cesse de rappeler les limites de sa responsabilité vis-à-vis des agissements de la société.

Nous vous livrons quelques-uns de ces passages avec les commentaires qu’ils suscitent :

Nous avons réalisé notre mission d’audit dans le respect des règles d’indépendance qui nous sont applicables, sur la période du 1er janvier 2017 à la date d’émission de notre rapport, et notamment nous n’avons pas fourni de services interdits par le code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes.

Pourquoi le commissaire aux comptes se sent-il soudain obligé d’indiquer qu’il n’a pas fourni de services interdits qui le rendraient complice de falsification des comptes annuels ?

En application de la loi, nous vous signalons que les informations relatives aux délais de paiement prévues à l’article D.441-4 du code de commerce, pris en application de l’article L.441-6-1 dudit code, ne sont pas mentionnées dans le rapport de gestion.

En fait, cette obligation légale n’est pas respectée par la SAS du plateau de Valras depuis plusieurs années, sans que cela n’ait gêné le commissaire aux comptes jusqu’ici. Étrangement, ce rappel à la loi intervient deux semaines après le dépôt d’un état de créances où le tribunal va s’intéresser aux délais de paiement…

Il appartient à la direction d’établir des comptes annuels présentant une image fidèle conformément aux règles et principes comptables français ainsi que de mettre en place le contrôle interne qu’elle estime nécessaire à l’établissement des comptes annuels ne comportant pas d’anomalies significatives, que celles-ci proviennent de fraudes ou résultent d’erreurs.

Tout de suite les gros mots ! Comme si le monde de la tauromachie s’adonnait à de la fraude, notamment fiscale…

Lors de l’établissement des comptes annuels, il incombe à la direction d’évaluer la capacité de la société à poursuivre son exploitation, de présenter dans ces comptes, le cas échéant, les informations nécessaires relatives à la continuité d’exploitation […] sauf s’il est prévu de liquider la société ou de cesser son activité.

Monsieur le commissaire aux comptes disposerait-il d’une information exclusive sur une prochaine cessation d’activité, ou a-t-il des doutes sérieux quant à l’avenir proche de son client ?

Notre objectif est d’obtenir l’assurance raisonnable que les comptes annuels pris dans leur ensemble ne comportent pas d’anomalies significatives […] Les anomalies peuvent provenir de fraudes ou résulter d’erreurs.

Décidément, c’est une fixation !

Comme précisé par l’article L 823-10-1 du code de commerce, notre mission de certification des comptes ne consiste pas à garantir la viabilité ou la qualité de la gestion de votre société.

Formule à l’élégance rare pour signifier que la société auditée est gérée n’importe comment et que ça sent drôlement le sapin pour elle.

Et comme l’ensemble de ces remarques ne semblent pas suffisantes pour dédouaner leur auteur, s’ensuit une pleine page de la description détaillée des responsabilités du commissaire aux comptes. Comprenez les limites de ces responsabilités.

Plus que jamais, l’épilogue de cette supercherie sur fond d’effusion de sang n’a jamais été aussi proche.

David Joly
Trésorier de la FLAC et de No Corrida