Une “lettre ouverte” vite refermée…

Le tueur de taureaux (« matador de toros ») Sébastien Castella s’épanche dans une récente lettre ouverte principalement adressée au public espagnol, mais qui ne manque pas d’intérêt pour nous, abolitionnistes français.

Sur un mode larmoyant qui pourrait même susciter de la compassion chez ses lecteurs si l’auteur n’était pas un spécialiste largement rémunéré de la mise au supplice – et de la mise à mort – d’animaux innocents, Castella sanglote sur son honneur et sa fierté. Ceux ci seraient mis à mal selon lui par de méchantes critiques visant la corrida et ses exécutants déguisés !

« On porte atteinte à notre droit à l’honneur, on nous accuse jour après jour d’”assassins” et l’on nous prive de notre droit au travail en fermant des arènes »

Et non seulement ces critiques lui semblent de trop, mais même si aucun fait précis n’est cité dans cette lettre ouverte, c’est évidemment la multiplication des décisions visant à mettre un terme aux subventions publiques à la corrida, ou à désengager les communes de l’organisation de spectacles mettant en scène la maltraitance qui est au centre des préoccupations du tueur de taureaux vedette ! Car sous couvert d’un discours faisant l’éloge de la liberté, ce qui dérange profondément le monde de la tauromachie c’est justement que cette liberté s’exerce réellement et se répande. Et notamment que des élus, désignés démocratiquement par un électorat populaire conscient des enjeux, utilisent eux leur liberté de décision pour affecter l’argent des citoyens à des causes nettement plus utiles que le financement de spectacles indignes et archaïques dont une majorité de citoyens n’a plus cure !

Là où les pleurnicheries du torero nous concernent directement, c’est évidemment quand on comprend qu’il regrette que le libre droit de manifester ait court et qu’au nom de ce droit des opposants à la corrida fassent entendre leurs voix un peu trop près de ses fragiles oreilles. Le lobby taurin ne s’en cache pas : bafouer la liberté d’expression et arriver à empêcher l’exercice du droit constitutionnel à manifester est un de ses objectifs principaux. Les arrêtés municipaux liberticides (heureusement le plus souvent annulés grâce à l’action en justice des associations anti-corrida et de leurs avocats) en sont l’un des moyens, avec la provocation visant à provoquer des troubles ou les appels à la dissolution d’associations pourtant parfaitement légales et pacifistes.

« Cependant soit s’arrête le temps de la honte soit c’est le notre qui va s’arrêter. En premier l’on va restreindre notre liberté, pour ensuite mieux continuer avec d’autres. (…) Parce qu’aujourd’hui ce sont les arènes, mais demain ce sera toutes créations artistiques qui n’entrent pas dans leurs goûts. »

Pour tenter de défendre son « droit » à maltraiter et tuer pour le plaisir des animaux, Castella tente (évidemment) de confondre la violence des arènes avec la création artistique, et de tirer ainsi vers le bas la véritable culture pour la rabaisser au niveau de la barbarie, du culte du combat contre ce qui est différent, de la domination de celui qui ne peut comprendre les règles qu’on lui applique, et des exécutions publiques ! C’est une vieille rengaine que les taurins nous serine depuis longtemps déjà et qui au fil des ans ne convainc plus que ceux qui recherchent encore un alibi philosophique au spectacle de la souffrance. Mais Sébastien Castella n’en est pas à sa première tentative visant à se présenter au public l’image d’un torero « sensible » : en 2011 nous avions déjà eu droit à de surprenantes déclarations mettant en avant sa supposée sensibilité à la souffrance animale !

« nous qui faisons parti du monde des toros, professionnels ou aficionados, nous sommes des citoyens de seconde catégorie, à qui l’on restreint notre liberté d’expression et de création artistique »

De manière particulièrement cynique, le torero tente d’inverser la situation en se présentant comme un « citoyen de seconde zone »… On appréciera ce passage sachant que nos tentatives de débat avec les taurins nous ont souvent amené à entendre de leur part que les habitants des « villes de sang » où sévit encore la corrida n’ont qu’à aller vivre ailleurs si ils ne supportent pas ces pratiques !

Soyons clairs : il n’y pas de citoyens de première ou seconde zone à nos yeux. Par contre, Monsieur Castella, ses collègues et confrères, sont effectivement les auteurs multirécidivistes d’actes de cruauté et sévices graves sur animaux. En France ils n’échappent aux peines prévus par la loi (2 ans de prison et 30 000 euros d’amende) que grâce à l’existence d’un alinéa honteux qui effectivement les exempte des sanctions légales mais ne change en rien le caractère violent et cruel de leurs activités ! C’est ainsi et toutes les lettres ouvertes ne peuvent rien y changer.