Henry de Montherlant, auteur et Académicien français, dresse un réquisitoire sans concession contre la corrida dans son livre « Le chaos et la nuit ». Extrait :
D’ailleurs ici, où était la justice ? Pas dans l’arène, que l’on appelait, par plaisanterie sans doute, le « terrain de la vérité » puisque tout y semblait loyal, et que presque tout y était déloyal. Pas sur les gradins, où le gros public était incompétent, et où la presse-depuis des temps immémoriaux-était vendue aux imprésarios des matadors.
Les taurins, toujours prompts à mettre en exergue les grandes figures littéraires passionnées de corrida comme Henry de Montherlant, par exemple, se gardent bien de révéler le revirement violent de l’Académicien contre cette pratique barbare.
Voilà qui est fait !
L’intégralité de ses terribles citations :
Henry de Montherlant, Ecrivain et Académicien, a dénoncé ouvertement la cruauté et les duperies de la corrida. Après l’avoir vantée, cet auteur avouait qu’il avait été abusé. Il écrivait :
J’incline à me mettre dans la peau, sans trop de difficulté, de ceux qui voient dans les hommes de cet art des pantins ridicules et simiesques. Je n’ai pas seulement quitté ma passion : je me rapproche du camp adverse (ceux qui la réprouvent) et peut-être devrai-je un jour me retenir d’y passer.
A propos du taureau :
Immobile, il beugla seulement, et son beuglement semblait dire : « Que vous ai-je fait pour que vous me tourmentiez ainsi ? ». Le taureau ne voit pas les choses comme elles sont : il prend le leurre -cape, muleta- pour l’homme, il croit qu’en sautant la barrera il retrouvera la liberté. Encore ne s’agit-il ici que du taureau à l’état normal ; chez le taureau aux cornes limées, nous le savons, la vision est brouillée. Le taureau pensait qu’il y avait quatre pieds carrés de l’arène où on cesserait de le faire souffrir -la querencia- et il y retournait obstinément, quoi qu’on vînt le persécuter là aussi bien qu’ailleurs. Il y revint, posa son mufle sur la barrera, avec un air de dire : « Je voudrais bien m’en aller ». On lui avait brisé les reins, donné des coups de pieds et de cape sur les jarrets, on l’avait vrillé de la pique, lardé de coups d’épée sournois entre les flancs. La victime, brimée, suppliciée, perdant son sang à flots, outragée au point qu’un garnement de matador la frappât de la main sur le mufle, et le tout sur un fond d’hypocrisie qui voulait qu’elle fut coupable, alors qu’elle ne l’était pas.
Concernant les chevaux :
Les garçons d’arènes, vieux enfants de chœur du culte taurin -sauf qu’ils ont le rouge à la chemise, au lieu de l’avoir à la jupe-, habillent les chevaux-fantômes, déjà piqués à la morphine, leur bouchent les oreilles en les serrant avec de la ficelle. De faiblesse et de peur, il arrivait que les chevaux s’effondrassent avant même que les taureaux ne les eût touchés.
Sur la corrida :
D’ailleurs ici, où était la justice ? Pas dans l’arène, que l’on appelait, par plaisanterie sans doute, le « terrain de la vérité » puisque tout y semblait loyal, et que presque tout y était déloyal. Pas sur les gradins, où le gros public était incompétent, et où la presse-depuis des temps immémoriaux-était vendue aux imprésarios des matadors.
Sur les toreros :
Il y a en eux quelque chose qui dégrade la dignité humaine. Comment n’ont-ils pas honte de s’exhiber ainsi ? Pour la première fois, il –le personnage du livre-comprit que ce n’était pas le taureau qui haïssait l’homme, que c’était l’homme qui haïssait le taureau. Et il eut pitié du taureau.
Citations extraites du livre d’Henry de Montherlant, « Le chaos et la nuit »
pages 231, 233, 239, 243, 249, 252, 256
Sources : « Le grand Bluff tauromachique » d’Andrée Valadier.