Le 4 juin, une décision de la Cour Administrative d’Appel de Paris a été rendue publique et est venue modifier de manière importante la situation de la corrida en France. Dans un arrêt daté du 1er juin et émis au terme d’une longue bataille juridique, les juges de cette autorité administrative venaient confirmer ce que certains savaient déjà, ce que d’autres envisageaient dans l’attente d’une décision et ce que l’immense majorité des abolitionnistes et des défenseurs des animaux et de la justice espéraient : la corrida radiée de l’inventaire du Patrimoine Culturel Immatériel de la France !
Inscrite en 2011 à l’inventaire du PCI dans des conditions douteuses (le Ministre de la Culture de l’époque, Frédéric Mitterand, n’ayant pas été consulté) par des fonctionnaires du Ministère de la Culture ayant notamment à leur tête Philippe Bélaval (aficionado membre fondateur de l’ONCT, un organisme de pression tauromachique). Cette inscription avait à l’époque été à l’origine de très nombreuses réactions scandalisées.
Plusieurs actions en justice menées par des associations de défense des animaux et anticorrida ont été menées, et au final la procédure entamée et très intelligemment menée par le CRAC Europe (association membre de la FLAC) et Droits des animaux a permis d’obtenir un arrêt officialisant le fait que la corrida n’était plus inscrite à l’inventaire du PCI.
Comment la corrida peut-elle être désinscrite ? Par la « disparition » de ce qui constitue la nécessaire publicité de son inscription : une « fiche d’inventaire », ou à défaut sa mention dans une liste officielle mise à disposition par le Ministère de la Culture et de la Communication (cette procédure fait partie des indications données par l’UNESCO aux états engagés dans un recensement de leur patrimoine culturel via ces inventaires). Mise en ligne au moment de l’annonce de cette inscription, cette fiche a ensuite rapidement disparue du site officiel destiné à rendre publics et disponibles les différents inventaires du patrimoine national. Amené à s’exprimer à plusieurs reprises sur cette étrange disparition, les représentants du MCC ont multiplié les déclarations floues : problème internet, refonte du site (pendant 4 ans !), voire volonté de ne pas diffuser cette fiche afin de ne pas subir l’ire de citoyens outrés par cette inscription ! Cette confusion n’a pas plaidé en faveur du lobby tauromachique (représenté dans cette procédure par l’ONCT et l’Union des Villes Taurines Françaises. Au vu de l’ensemble des éléments présentés, la Cour Administrative d’Appel de Paris a conclu à la désinscription de fait de la corrida, et ce depuis mai 2011 ! Car c’est bel et bien en mai 2011 que la fiche d’inventaire qui constituait la seule preuve et trace d’une inscription au PCI a disparue…
Après une première salve de réactions insultantes venant des taurins (qualifiant de « menteurs » les abolitionnistes et par extension les juges de la CAA), le lobby tauromachique a pris en toute urgence la décision de se pourvoir en cassation auprès du Conseil d’Etat. Ce qui ne constitue pas une surprise puisque le président de l’ONCT l’avait d’ailleurs annoncé par avance sur son site, tant la décision de la CAA de Paris semblait logique ! Dans l’attente de la décision du Conseil d’Etat, l’arrêt rendu par les juges le 1er juin est à effet immédiat et non suspensif : cela signifie qu’à compter de cette date la corrida est officiellement considérée radiée de l’inventaire du PCI !
Le fait que la corrida ne fasse plus partie de l’inventaire du PCI a des conséquences multiples et importantes :
La plus évidente est bien sûr d’ordre moral et éthique. Il semblait insupportable à beaucoup qu’une pratique aussi cruelle et barbare, aussi critiquée et sujette à polémique, aussi impopulaire, soit présentée comme un élément de notre patrimoine national ! Cette inscription (désormais révolue) était brandie par les aficionados comme une reconnaissance et une justification culturelle officielle de la mise au supplice d’animaux innocents.
L’appartenance présumée de la corrida à l’inventaire du PCI représentait également un frein important auprès de politiques pourtant peu attirés par ces spectacles sanguinaires. Il semblait difficile voire inenvisageable pour beaucoup de s’engager en faveur de l’abolition d’une pratique présentée comme un élément du patrimoine national ! Le changement de statut de la corrida va très certainement faire bouger les lignes de manière importante sur ce point. D’autant plus que plusieurs propositions de loi abolitionnistes ont été déposées par des parlementaires et qu’une campagne d’information menée par des militants anticorrida est actuellement en cours afin de recueillir le soutien du plus grand nombre de députés possible.
Le fait que la corrida ne puisse plus être considérée comme inscrite à l’inventaire du PCI met également un terme immédiat et définitif aux fantasmes de certains taurins qui espéraient utiliser ce statut pour présenter un jour ou l’autre une demande d’inscription au patrimoine de l’UNESCO !
Sur le plan économique, c’est aussi un coup très dur pour plusieurs importants organisateurs de corrida impliqués dans des affaire de fraude fiscale fondées sur une utilisation abusive d’un taux réduit de TVA. La ligne de défense des responsables impliqués dans ces malversations reposait sur le fait de présenter ces détournements d’argent destinés à la communauté comme un acte « militant » devant amener les autorités à autoriser la corrida à bénéficier du taux réduit de TVA destiné aux spectacles culturels. Une défense qui tombe à l’eau et va obliger rapidement les fraudeurs à affronter leurs responsabilités pour des sommes particulièrement importantes (des centaines de milliers d’euros)…
Le dernier recours du lobby tauromachique est désormais le pourvoi en cassation de l’ONCT, un organisme qui s’est déjà distingué par des méthodes particulièrement douteuses. On se rappellera que l’ONCT avait été à l’origine d’une liste falsifiée de psychiatres devant soi-disant démontrer les vertus « éducatives » de la corrida sur les enfants ! Son président, André Viard, est à l’origine de multiples polémiques par des déclarations scandaleuses à l’encontre de personnalités opposées à la corrida (telles que Simone Veil, ou l’ancien avocat et conseiller d’Etat Arno Klarsfeld, même des élus aficionados de très haut niveau s’en étaient indignés ou suite au terrible attentat de Charlie Hebdo. On imagine sans peine que suite à l’annonce du retrait de la corrida de l’inventaire du PCI, André Viard qui s’était fait le champion de cette inscription est désormais en situation particulièrement délicate à la tête de l’ONCT…
Le retrait de la corrida de l’inventaire du PCI est une victoire importante. Notre fédération tient à saluer ici les efforts et la pugnacité de toutes celles et tous ceux qui se sont impliqués dans cette action. Et notamment les associations CRAC Europe et Droit des animaux qui ont été en première ligne devant les autorités et dont les avocats et juristes ont su réunir toutes les informations nécessaires à obtenir un résultat qui représente une véritable avancée pour notre cause.
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