A l’image du collectif de vétérinaires espagnols AVAT, 170 vétérinaires français opposés à la corrida ont constitué un collectif et souscrit à la déclaration suivante :
« En tant que vétérinaires, nous nous déclarons opposés à la corrida. Cette pratique, qui consiste à supplicier des taureaux en public doit disparaître de nos sociétés. La souffrance qu’elle fait endurer à ces animaux est injustifiable. L’évolution des connaissances scientifiques ainsi que l’évolution des mentalités rendent désormais nécessaire la mise en oeuvre de mesures visant à supprimer de tels spectacles. »
La corrida a été introduite en France à partir des années 1850, et reste de nos jours autorisée, au titre de la « tradition », dans certaines zones de 11 départements du sud de la France, soit moins d’un dixième du territoire. Cette curieuse dérogation à la loi commune, contre laquelle s’élève un nombre croissant de parlementaires, se trouve dans un alinéa de l’article 521-1 du Code pénal consacré aux « sévices graves » et « actes de cruauté » envers les animaux domestiques.
Au cours d’une corrida, six taureaux sont successivement tués, au terme d’une mise en scène codifiée durant une vingtaine de minutes pour chacun. Pendant le « tercio de piques », le picador à cheval enfonce des lances terminées par des pointes d’acier dans le dos du taureau. Pendant le « tercio de banderilles », les banderilleros plantent trois paires de harpons dits banderilles dans le dos du taureau. Pendant le « tercio de mort », le matador enfonce une épée dans le dos du taureau pour le tuer. La mise à mort, souvent longue et laborieuse, se prolonge par l’emploi d’une épée spéciale, puis de la puntilla (poignard), à la base de la nuque.
En Espagne même, son pays d’origine, cette pratique est de plus en plus contestée. Une organisation de vétérinaires opposés à la corrida a vu le jour en 2008 : l’AVAT. En Catalogne Espagnole, deuxième province du pays, plus de 70 municipalités se sont déclarées anticorrida, dont la capitale Barcelone, et le Parlement catalan doit prochainement débattre de la suppression de cette pratique courant 2010.
Les opposants à la corrida reçoivent l’appui croissant de spécialistes de divers horizons, tant du coté des sciences humaines que des disciplines biologiques. Ainsi, de nombreux vétérinaires ont décidé de répondre à l’appel lancé par le Pr Jean-François Courreau, vétérinaire à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort et adversaire convaincu de la corrida, Nathalie Milhas, vétérinaire qui s’est opposée à la corrida dans sa commune en Haute-Garonne, et JP Richier, psychiatre préoccupé par la violence envers les animaux.
Un site internet des veterinaires anticorrida est dédié à cette démarche, et les vétérinaires qui partagent ce point de vue sont instamment invités à le contacter.
Les associations nationales de lutte contre la corrida, ainsi que de grandes organisations de défense animale, ont apporté leur soutien, à la fois à cette initiative et à la nouvelle proposition de loi collaborative élaborée par le Groupe parlementaire d’études sur la Protection des animaux :
- Alliance Anticorrida
- CRAC Europe pour la protection de l’enfance
- Fédération des Luttes pour l’Abolition des Corridas
- Fondation Brigitte Bardot
- Fondation Droit Animal, éthique et sciences
- Fondation 30 Millions d’Amis
- Société Nationale pour la Défense des Animaux
- Société Protectrice des Animaux
Le mot des intervenants
Jean François Courreau vétérinaire, professeur à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort Professeur de Zootechnie
Je suis admiratif des qualités développées chez le Toro Bravo par la sélection empirique et sensible à l’aspect économique que représente son élevage. Naturaliste, je n’oublie pas non plus l’entretien de certains écosystèmes par la pratique de l’élevage extensif. D’aucuns disent que le taureau de combat à une très belle vie avant de mourir. Sans doute. Et aussi que les traditions doivent être préservées coûte que coûte. Et que la corrida est magnifique d’esthétisme. Peut-être… Mais, j’ai fini par trancher et je me suis engagé parce que je pense qu’il est tout simplement inadmissible que l’homme se permette de tuer un animal pour le plaisir d’un spectacle, d’autant plus quand la souffrance précède la mort.
Nathalie Milhas , vétérinaire praticienne, présidente de l’association « Fenouillet Anti Corrida ».
On entre dans la lutte contre la corrida par compassion pour le taureau (et quoi de plus naturel pour un vétérinaire que d’aimer les bêtes ?) On y reste parce la tauromachie symbolise à elle seule toutes les bassesses humaines : cruauté, orgueil, hypocrisie et faux-semblants, corruption intellectuelle voire financière, magouilles législatives et judiciaires. Et on finit par plaindre l’Homme…
Marie-Claude Bomsel , vétérinaire, professeur au MNHN, chroniqueuse TV, auteur d’ouvrages
Si on peut comprendre qu’au temps de la domestication des bovins, il y a quelques milliers d’années, le combat entre le taureau et l’Homo sapiens ait entraîné de la cruauté du fait de la méconnaissance de l’animal et de sa physiologie, il est inadmissible qu’à notre époque, heureusement soucieuse du bien-être animal, la corrida puisse exister. Quant à se réfugier dans une phraséologie soi-disant culturelle ou pseudo-scientifique (la joie de la souffrance confirmée par la présence d’endorphine, censée être l’hormone du plaisir ! ? !) cela dépasse l’entendement.
Jean-Paul Richier psychiatre, praticien hospitalier
Au fur et à mesure que les mentalités évoluent, le monde de la corrida échafaude de savants arguments pour justifier cette pratique. Sont ainsi déclinés des arguments esthétiques, culturels, historiques, anthropologiques, ou encore économiques, écologiques, voire biologiques. Mais en contrepartie, un nombre croissant de professionnels de divers horizons réprouvent fermement la corrida. On y trouve des psychiatres et des psychologues, des philosophes, des historiens, des juristes, des biologistes, des éthologues… Et bien sûr des vétérinaires, les premiers concernés par la souffrance animale.
Michel Klein , vétérinaire, chroniqueur audiovisuel, auteur d’ouvrages
J’ai approché et touché des vaches reproductrices de futurs taureaux de combat, ainsi que des camarguais, pas faciles à manipuler. Les banderilles et les gestes du picador provoquent des souffrances inutiles, plutôt que de prouver de la bravoure. Le jeu du matador est souvent assez esthétique, il est exposé à un risque, mais son intrépidité n’apporte aucune preuve quant à la supériorité de l’homme par rapport à la bête.
Francesco Minguell , vétérinaire espagnol, représentant de l’AVAT
L’Association des Vétérinaires pour l’Abolition de la Tauromachie (AVAT) a été mise en place en Espagne en 2008 pour faire savoir au grand public et aux législateurs que les taureaux souffrent énormément pendant la corrida. Nous rappelons qu’un des héritages scientifiques importants du XXe siècle a été la démonstration que les mammifères éprouvent la souffrance de la même façon que les humains, et nous appelons à ce que ce spectacle cruel soit aboli