25346_1248843980842_7373141_n (2)C’est le hasard qui nous a amené à faire la connaissance de Sofie. D’origine espagnole et installée dans le sud de la France, Sofie, jeune femme de 34 ans, consacre sa vie professionnelle à l’assistance aux personnes handicapées moteur. En passant devant un stand d’information anti-corrida, Sofie a voulu en savoir plus sur les actions des opposants à la corrida. Au fil de la conversation qui s’est alors engagée elle a souhaité nous faire part de son expérience enfant, lorsqu’elle a été confrontée à l’âge de 5 ans à cette pratique ultra-violente.

Nous lui avons proposé de recueillir son témoignage et de le publier. Elle a accepté sans hésiter, espèrant que son récit puisse ainsi servir à d’autres.
– Quel âge aviez-vous lorsque vous avez été confrontée à une corrida ?

J’avais 5 ans.

– Avez vous été entrainée à y assister par un ou une proche ?

C’est ma tante qui vit en Espagne depuis toujours qui a eu cette “excellente” idée pour passer un aprèsmidi !

– Pouvez vous nous décrire ce que vous y avez vu, du moins vos souvenirs ?

Évidemment je ne me souviens pas de tout. J’ai des images flash de ce qui m’a le plus choqué. Il faisait très chaud, il y avait beaucoup de monde, c’était compliqué de s’asseoir…

Un taureau est entré dans l’arène. Moi, tout ce que je comprenais, c’était qu’un homme le poursuivait… Lorsqu’il a planté la première banderille, je me suis mise à hurler et à pleurer. Ma tante a été obligée de me sortir et de me ramener à la maison.

– Vous a-t-on expliqué à l’époque ce qui se passait dans l’arène ? Ce qu’il en était du taureau ? Les raisons de ce spectacle ?

Oui on ma dit “tu vas voir c’est très joli, c’est un beau spectacle. Les enfants s’amusent beaucoup”…

– Quel impact cela a-t-il sur vous ensuite ?

Une hypersensibilité par rapport à tous les actes de cruauté envers les animaux. Ça a été la source de nombreux cauchemars durant toute mon enfance.
Et j’ai aussi ressenti de la colère… envers les hommes qui pratiquent cette barbarie. Et de l’incompréhension.

– Quelles sont vos impressions aujourd’hui quand vous repensez à cette expérience ?

Je pense que c’est un endroit totalement inadapté pour un enfant. Cela peut créer de graves traumatismes ou rendre les enfants avides de combats et de maltraitance animale.
Tous les actes de cruauté envers les animaux représentent des images difficiles à effacer.

– Que pensez-vous des parents qui emmènent leurs jeunes enfants assister à une corrida ?

Je n’aime pas juger les gens. Mais je pense quand même qu’il y a des sorties beaucoup plus adaptées… Si la barbarie et la souffrance ne posent pas de problèmes aux parents… voir agoniser un animal qui n’a rien demandé… pour quoi faire ? Pour le plaisir !

L’enfant doit en retenir quoi ? Que le sadisme fait partie de la nature humaine ? Pitié…

– Certains aficionados incitent publiquement (notamment via une émission de radio) les parents à emmener leurs enfants voir des corridas, en expliquant qu’il s’agît là d’un geste de prosélytisme pour l’avenir de la tauromachie et que la corrida est une école de la vie pour les enfants. Trouvez-vous cette attitude responsable ?

Non pour les raisons que j’ai évoquées plus haut.

Je suis Catalane : en Catalogne les corridas sont interdites. On ne les justifie plus par le folklore ou la tradition. C’est fini.

“Une école de la vie”… Ces gens sont fous.

– Récemment, une commission de l’ONU a émis une recommandation (à destination du Portugal, mais le tour de la France viendra…) visant à éloigner les enfants des corridas ainsi que des écoles taurines. Pensez vous qu’une initiative émanant d’une organisation reconnue et aussi importante que l’ONU puisse faire évoluer les mentalités sur ce sujet ?

Oui. Je le souhaite de tout coeur. Je trouve aberrant et lamentable qu’il y ait des corrida en france, ainsi que des écoles taurines. Nous ne sommes pas en Espagne ; si, là bas, on peut éventuellement parler de tradition, je ne vois pas le rapport en France ! J’espère que les mentalités changeront, mais je suis consciente qu’il y a beaucoup de chemin à parcourir.

Merci Sofie.

Si la préservation des enfants face à la violence et aux images de grande cruauté parait être une valeur partagée par tous, dès que l’on en vient à aborder la problématique de l’accès des enfants à la corrida, nombre d’aficionados (pourtant eux mêmes concernés, père, mère, grand-père ou grand-mère) oublient immédiatement toutes ces considérations pour faire de la barbarie tauromachique une “exception” qui n’aurait pas à être concernée par ces considérations de morale, d’éthique et de respect de la sensibilité des enfants. Bien au contraire, certains aficionados mettent en avant une valeur éducative apportée par le spectacle de veaux ou jeunes taureaux torturés, battus et mis à mort ! Là où tout voudrait que l’on éloigne les personnalités les plus fragiles et influençables de spectacles faisant l’apologie de la violence, ces valeurs de simple bon sens éducatif sont balayées du revers de la main dès que l’on aborde la présence des enfants dans les arènes.

Dans une interview accordée au Midi Libre, le professeur Hubert Montagner (membre du comité d’honneur de la FLAC) abordait ce sujet et déclarait :

“Il est évident que le spectacle de la corrida est une forme de violence pour les plus vulnérables, pour les plus fragiles, pour ceux qui sont dans l’insécurité affective. Avec mes collaborateurs, au cours d’une partie de nos recherches sur les interactions entre l’animal familier et l’enfant, nous nous sommes rendu compte à quel point un enfant peut être en détresse, inconsolable, dès lors qu’il voyait que son animal était maltraité. (…)

L’enfant est spectateur des blessures et des souffrances qui sont infligées au taureau qui n’a rien demandé. Cela trouble beaucoup d’enfants. C’est très destructeur en ce qui concerne la perception que l’enfant a des animaux et aussi la perception qu’il peut avoir des relations entre les hommes et les animaux. Ce n’est pas cela qui peut lui donner confiance dans les relations humaines. Je ne vois pas ce que cela peut lui apporter dans son développement vers l’âge adulte. (…)

Il est du devoir de la société humaine de soustraire les enfants aux spectacles de violence. “

Le témoignage de Sofie est là pour confirmer les propos du professeur Montagner. Il renforce encore notre détermination à obtenir l’interdiction de la corrida aux enfants de moins de 16 ans, et notre dénonciation des scandaleuses écoles taurines, où l’on enseigne aux enfants à torturer et mettre à mort des animaux.

Nous vous invitons à lire également le témoignage de Marina