Le weekend des 23-24 septembre 2023 se tenait à Menton, dans le Grand Hôtel des Ambassadeurs, un salon du livre sous l’égide de Saint-François d’Assise, avec pour thème central celui d’explorer nos relations avec les animaux. L’événement était organisé par Liana Marabini, par ailleurs directrice de l’hôtel.
La FLAC était invitée d’honneur de cette édition, avec non seulement un stand, mais aussi une conférence animée par Roger Lahana sur la barbarie de la corrida et, plus particulièrement, ses relations avec les différentes religions, à commencer par le catholicisme qui imprègne profondément cette pratique depuis sa naissance en Espagne au 16e siècle.
Une description détaillée a d’abord été exposée au public, afin de bien expliquer en quoi consiste une corrida ou ses variantes, quelles sont les principales tricheries qui l’accompagnent, quel est le contexte politique et législatif en France, quels sont les départements concernés puis, plus généralement les sept autres pays du monde où la corrida a toujours cours (tous sous influence des racines espagnoles de ce divertissement barbare par le biais des invasions colonisatrices menées par les conquistadors en Amérique Latine), quelles subventions massives sont versées pour soutenir cette activité lourdement déficitaire partout, que sont les écoles de tauromachie en France, quelles recommandations très précises mais non appliquées ont été promulguées par l’ONU pour différents pays tauromachiques dont le nôtre pour protéger les mineurs de la violence des corridas et, enfin, une analyse détaillée de la position des principales religions mondiales vis-à-vis de cette pratique.
La conférence a consacré une large place au catholicisme, qui entretient des liens étroits avec la corrida du fait de ses origines historiques espagnoles à l’époque où cette religion dominait très largement tout ce qui se faisait en Espagne. Tout aurait dû être simple à ce sujet puisque, dès le 12e siècle, Saint-François d’Assise avait professé un amour total pour toutes les formes de vie, rejoint en cela par le pape Pie V au 16e siècle qui exprimait, dans sa bulle De salute gregis dominici (1567), sans aucune ambiguïté, le rejet total des corridas auquel devaient se conforter les Catholiques, menacés d’excommunication s’ils pratiquaient une corrida ou même, simplement, y assistaient. Cette encyclique sombra rapidement dans l’oubli, les corridas faisant leur retour en force dès la disparition de Pie V.
Aussi, lorsque le pape François prit ses fonctions, en se réclamant par son nom de Saint-François d’Assise, le monde anticorrida eut l’espoir qu’enfin une condamnation sans équivoque des corridas serait à nouveau édictée. Malheureusement, seule une phrase très vague figurait dans sa première encyclique Laudato Si (2015) : “Toute cruauté sur une quelconque créature est contraire à la dignité humaine”.
Malgré de multiples tentatives écrites auprès du Pape en vue de lui faire préciser sa pensée de façon explicite concernant les corridas, les seules rares réponses obtenues ne faisaient rien d’autre que citer à nouveau cet extrait de son encyclique. En revanche, le Pape a accordé une audience la même année au matador Padilla lors de laquelle ce dernier lui a offert une photo de lui en train de torturer et de tuer un taureau, sans que cela ne provoque aucun élément de rejet de la part du pontife.
Et, pendant ce temps, les corridas ont continué à se réclamer d’un culte voué à Marie. Certaines corridas sont bénies lors de messes dans les arènes (Béziers, Espagne). Et la plupart des arènes ont une chapelle réservée aux toreros. Sans oublier l’obscénité (au sens étymologique du terme) de voir un curé en soutane se divertir de faire des passes avec des génisses dans une arène – l’abbé Teissier, aumônier des arènes de Nîmes depuis des décennies.
Les autres grandes religions ont une position parfaitement claire de condamnation des corridas. Pour les Protestants, il s’agit d’une « fête païenne » à laquelle il est déconseillé d’assister. Pour l’Islam, il est strictement interdit de faire souffrir un animal pour l’unique raison de s’en divertir. Pour le Judaïsme, cette pratique émane de « gens dépravés, fauteurs et de la plus grande cruauté ». Quant au Bouddhisme, il réprouve toute forme de souffrance infligée à des êtres sensibles.
Les questions qui ont suivi la conférence étaient fort intéressantes, de nombreux participants n’ayant eu jusque-là qu’une connaissance très superficielle de ce qu’est une corrida et de la position des religions à cet égard. Citons en particulier les échanges très riches avec un prêtre dominicain – totalement anticorrida – qui découvrait une mystification éhontée entre cette barbarie et la foi chrétienne, et qui a insisté pour que nous le fassions savoir le plus largement possible autour de nous (ce que nous nous employons à faire dans le cadre de notre engagement).
De gauche à droite : Stéphanie Lahana, Roger Lahana, Mme Juhel, Yves Juhel maire de Menton, Thierry Hély, Liana Marabini
La conférence s’est terminée par un merci au nom des taureaux victimes de l’horreur des corridas. Plusieurs personnalités locales ont assisté à différentes parties du Salon, dont le maire de Menton avec qui nous avons eu plaisir à échanger.
Influents au sein de l’Église, les adversaires de la corrida obtiennent du pape Pie V une bulle « de Salute Gregis » ordonnant le 1er novembre 1567, au même titre que le duel, que les chrétiens à tous niveaux ne combattent les taureaux sous peine d’excommunication (un chrétien ne peut mettre sa vie en danger que pour Dieu ou son Roi). Ce qui préoccupe Pie V ce n’est pas le sort des taureaux mais celui des hommes.
Le pape suivant, Grégoire XIII transige par une bulle « Exponi Nobis » – 25 août 1575 – en levant les menaces d’excommunication dés l’instant où les jeux taurins se déroulent hors des jours de fêtes religieuses. Il maintient seulement aux deux clergés – séculier et régulier – l’interdiction d’y assister et laisse ce droit aux laïcs.
Son successeur, Sixte V par un « bref » nuper siquidem du 13 avril 1586 rappelle à l’Université de Salamanque que les ecclésiastiques ne doivent pas assister aux fêtes taurines.
A la demande de Philippe II, le pape Clément VIII par sa bulle « Suscepti Muneris » du 13 janvier 1596, lève l’interdiction concernant le clergé séculier, le maintien pour le régulier et les jours de fêtes religieuses. Très rapidement cette dernière interdiction fût levée par l’Église d’Espagne.
Pour être complet, signalons un bref d’Innocent XI le 21 juillet 1680 au nonce Mellini pour lui rappeler la bulle de Clément VIII et de demander au « Roi Catholique (…) que si dans l’avenir il se trouve que ces mêmes jeux (de toros) soient données, on prenne consciencieusement des dispositions, au moins pour empêcher que le Peuple ne subisse un quelconque dommage. »
Merci infiniment à la Mairie de MENTON, NO CORRIDA, FLAC d’avoir exposé richement le lien entre la foi chrétienne et la barbarie de la torture sur des êtres simples, sensibles et sensés de vivre comme tout terrien ; presque comme une légitime continuité de la jubilatoire, pour certains, de l’inquisition. La torture tauromachique demeure pratiquée sur des territoires dits civilisés. Ici point d’aveu espéré juste le plaisir de torturer à mort. Dommage que le prêtre Robert CULAT n’est pas été présent. ROSY GONZALEZ BORDEAUX