La petite ville gardoise de Rodilhan est un symbole de la lutte pour l’abolition des corridas.

Le 8 octobre 2011, 70 manifestants anticorrida sautaient dans les arènes, se regroupaient et s’enchaînaient en s’agenouillant sur le sable de ce lieu de mort. Leur but : grâce à leur présence pacifiste, si ce n’est empêcher du moins retarder au maximum le supplice et la mise à mort de jeunes taureaux !

Il semblait évident à tous que face à une telle situation, les responsables de la corrida, élus et autorités présentes, feraient appel aux forces de l’ordre et demanderaient l’évacuation des manifestants. Le souhait des opposants à la corrida était bien sûr que cette évacuation soit la plus lente possible afin de retarder le début de la corrida.

Mais en terre taurine, les choses se passent différemment qu’ailleurs semble-t-il. Au lieu de cela, les manifestants ont dû subir un véritable lynchage de la part d’aficionados déchainés : coup de poing, coup de pieds, crachats, insultes, gifles, utilisation d’un jet haute pression directement dans le visage et les oreilles dans le but de blesser, attouchements sexuels, vols d’effets personnels… Le festival taurin était là réduit à son essence même : une orgie de brutalité et de violence ! Tandis que Jean-Paul Fournier, sénateur-maire de Nîmes,  regardait ailleurs pendant ces longues minutes, le maire de Rodilhan lui-même, Serge Reder, prenait en photo les scènes de brutalités et les manifestants…
Le tout sous les encouragements d’un public visiblement revenu au temps des gladiateurs ; certains spectateurs faisant même le geste du pouce baissé signifiant « à mort »…
Les images, photos, vidéos et témoignages sont nombreux et attestent sans doute aucun de la violence et du caractère choquant de ces événements, ainsi que de l’agressivité des brutes coupables de ces exactions.

Reportage belge à voir absolument !

Depuis 2011, le temps a passé, et au traumatisme de la violence subie est venu s’ajouter un intense sentiment d’injustice devant la lenteur ahurissante de la justice à traiter ce dossier. Année après année, les victimes ont vu les annonces de procès déboucher sur le néant, un report suivant l’autre. Avec une question : en terre taurine, l’exception légale (d’aucuns y verront même une absurdité de notre code pénal) autorisant les spectacles d’actes de cruauté et sévices graves sur animaux s’accompagne-t-elle d’une autre exception, permettant aux aficionados qui le souhaitent de rouer de coups à leur guise ceux qui osent s’opposer publiquement à leur passion sanglante ?

Les manifestations se sont succédées sans que jamais la tension ne retombe, bien au contraire. Cette année a vu pour la première fois les organisateurs des tristes spectacles de sévices sur animaux de Rodilhan prendre la décision (en juin dernier) de reporter ces sinistres festivités sous la pression des opposants à la corrida. Date fut donc prise pour le dimanche 4 octobre.

Le fanatisme taurin a ainsi fait de Rodilhan un camp retranché, avec le déploiement de plus de 250 gendarmes et policiers, des barrières, barrages et grilles isolant une grande partie de la ville du monde extérieur. Les habitants se sont même vus signifier par leur maire de « différer leurs déplacements
» ! Une situation surréaliste mais ô combien chargée de symbole au vu de la situation de la corrida en France, désormais critiquée de toutes parts et dont une très large majorité de la population souhaite l’abolition !

RAW Le rassemblement initié par le CRAC Europe a vu se mobiliser des centaines de militants abolitionnistes, tous bien conscients que ce  rendez-vous était bien différent d’une manifestation plus habituelle, tous conscients qu’il s’agissait là comme toujours de défendre les animaux suppliciés, mais aussi de dénoncer les lenteurs scandaleuses de la justice dans le traitement du dossier des violences de 2011, de se mobiliser donc contre la corrida et pour la dignité et le respect des droits des citoyens ! Les participants étaient également conscients que cette ville est un lieu à part, dont le passif fait que les
rassemblements et manifestations qui s’y déroulent sont particulièrement durs, sous tension. Dans les rangs des manifestants, des victimes des violences de 2011, qui non seulement attendent depuis 4 ans que leurs agresseurs soient jugés, mais aussi savent pertinemment qu’une partie d’entre eux se pavane au même moment sur les gradins des arènes. Nous rappelons d’ailleurs que le maire de Rodilhan, Serge Reder, fait partie des prévenus.

Dès le matin, lorsque les participants à la manifestation ont pu se rassembler, passés les premiers barrages de police et les fouilles, Jean-Pierre Garrigues, président du CRAC Europe, a annoncé la « stratégie » adoptée pour cette journée : constituer différents groupes et bloquer les points d’accès à la ville afin de perturber la tenue du « Bolsin » organisé le matin. Se rejoindre au plus près des arènes le midi afin de faire entendre notre voix, bloquer de nouveau les accès l’après-midi afin de compliquer la sortie des aficionados après la novillada de l’après-midi. Cette stratégie a été menée à bien grâce à la détermination de l’ensemble des manifestants et des organisateurs de ce rassemblement. Des anticorrida présents en tout anonymat parmi le public des arènes, ont d’ailleurs pu constater par eux mêmes que les rangs des aficionados étaient particulièrement clairsemés. Le déroulement de cette journée a été résumé de façon très complète sur le site du CRAC Europe.

La FLAC était bien sûr présente lors de cette journée. Nous avons pu nous rendre compte de l’impressionnante détermination de l’ensemble des participants et nous tenons à les en féliciter. L’objectif des organisateurs de corrida à Rodilhan était bien évidemment de profiter du faramineux dispositif sécuritaire mis en place pour décourager les manifestants, les faire taire… Quel échec ! La mobilisation des abolitionnistes présents lors de cette journée a été exemplaire ; du matin jusqu’au soir, ils étaient présents partout, toujours sur la brèche, mettant toute leur énergie à se faire entendre et à démontrer que même dans des conditions aussi difficiles et aussi hostiles, la voix de la justice et de la compassion finirait par triompher. Qu’ils en soient remerciés. Leur engagement a même été relayé outre-atlantique !

La voix des manifestant semble avoir porté au-delà des limites de Rodilhan, puisque un surprenant concours de circonstance (fortuit n’en doutons pas…) a fait que le jour même de cette manifestation les avocats du CRAC Europe ont enfin été contactés par le tribunal de Nîmes afin de convenir d’une date pour le procès des violences de 2011 ! Celui-ci aura donc lieu les 14 et 15 janvier 2016.

Notre Fédération diffusera régulièrement les informations relatives à la tenue de ce procès, de même qu’elle se tiendra pendant toute la durée de cette procédure aux côtés des victimes brutalisées et du président du CRAC Europe, Jean-Pierre Garrigues, infatigable combattant de l’abolition.