public arenesLe vendredi 22 août s’est déroulé dans les arènes de Fréjus un spectacle organisé dans le cadre d’une « journée espagnole » et qui a vu présenter au public (principalement composé de touristes en cette saison, motivés notamment par la gratuité de l’entrée) une « capea ». Destinée prioritairement aux toreros débutants, la capea offre au public un spectacle qui ne prévoit ni banderilles, ni mise à mort des (très) jeunes taureaux.

Fréjus a aboli la corrida (décision de son ancien maire Élie Brun), et son nouveau maire, David Rachline, étant également opposé à la réintroduction de la corrida, de même que la majorité des habitants de cette ville, les organisateurs de ce spectacle ont préalablement annoncé par voie d’affichage et via internet une « novillada ».

On connait la violence sanguinaire et lâche de ces spectacles. De nombreux opposants ont aussitôt pris contact avec les autorités locales pour en savoir plus. Le maire de Fréjus a donc immédiatement confirmé que le retour des corridas n’était en rien prévu dans sa ville, et annoncé le déroulement d’un spectacle sans sang, ni mise à mort.

Tentative ratée de manipulation de la part des organisateurs, confusion de la part des services chargés de promouvoir ce spectacle, rétropédalage sous la pression des opposants ? En tous cas la novillada annoncée par voie d’affiche s’est transformée au fil des jours en « beccerada » (annoncée également sur plusieurs sites tauromachiques) pour finalement aboutir à une capea, dont le déroulement a eu lieu sous le regard attentif de nombreux militants anticorrida qui étaient présents dans les arènes et avaient prévu d’intervenir immédiatement si le spectacle annoncé se révélait être une corrida déguisée… Nous tenons d’ailleurs à saluer ici le dévouement et la vigilance de ces abolitionnistes, actifs notamment au travers du Collectif fréjussien anticorrida.

Lors de ce spectacle un tract a été distribué par les aficionados. Ce tract est destiné à promouvoir auprès d’un public peu informé de ces questions l’image d’un taureau présenté comme un quasi-fauve, une machine à combattre… Il s’agit en fait d’un ramassis grossier de manipulations, mensonges et exagérations visant à apporter une caution à la corrida. Nous connaissons l’argumentation tauromachique qui présente les sévices et la mise à mort du taureau comme un témoignage de respect envers la nature profonde de ce bovin, qui serait toute entière tourné vers le gout de l’affrontement, un raisonnement où la vision fantasmée du taureau vient remplacer la réalité, et cautionner les pires horreurs.

Frejus_Toro« Le toro de combat est un animal sauvage » : non, le taureau espagnol actuel, ou taureau dit « de combat » est considéré – évidemment – comme un animal domestique. Comme le dit un site taurin  : »Le taureau de combat n’est pas une espèce distincte de bovidé, mais une variété ou un ensemble de races particulière, originaire d’Espagne, de l’espèce bœuf domestique (Bos taurus) ».

Les troupeaux actuels sont les créations de l’homme, issus de croisements soigneusement effectués dans le but d’isoler et favoriser un ensemble de caractéristiques physiques comme psychologiques compatibles avec l’organisation de corridas. Il ne s’agit en rien d’un animal sauvage, dont la tauromachie préserverait les caractéristiques ancestrales, au contraire. C’est la main de l’homme qui est à l’œuvre dans les élevages de taureaux de combat, pas celle de la nature ! D’ailleurs les contraintes de la sélection et de l’élevage, qui obéit comme toute activité commerciale à la loi de l’offre et de la demande, sont à l’origine d’une certaine uniformisation de la race, aboutissant à des critiques de plus en plus fréquentes de la part de certains aficionados quant à au comportement et au physique des taureaux présentés dans les arènes :

« Quel que soit son but, la sélection passe par les loteries de la génétique, une loterie que certains tentent aujourd’hui de diriger grâce aux nouvelles possibilités offertes par les analyses d’ADN. Celui qui a le bonheur de réussir quelque chose cherche à stabiliser sa trouvaille ; il crée ainsi une nouvelle lignée (« encaste »). Il est aussitôt imité par d’autres ; ou bien il leur vend des reproducteurs et sa réussite vient « améliorer » les troupeaux existants par croisement, voire les éliminer par substitution ou absorption. (…)

Au bout de 2 ou 3 siècles, aboutissons-nous à une fabuleuse diversification des races, comparable à celle de nos chiens, tous issus du loup (de récentes recherches génétiques viennent de le démontrer) ? Pas du tout ! Nous assistons au contraire à un appauvrissement génétique et à une standardisation, assez calamiteux du point de vue biologique ; et même, aujourd’hui, à une certaine dégénérescence, également calamiteuse du point de vue tauromachique. Pourquoi ?

La « demande » évolue de façon univoque : elle élimine au lieu d’ajouter. » (Source : le site toro-genese.com)

« C’est un animal très agressif qui se bat constamment avec ses congénères et qui charge tout ce qui bouge sur son territoire » : allons ! Même si effectivement les taureaux peuvent parfois s’affronter entre eux, comme beaucoup d’autres espèces animales, dont l’homme… le principal de leur temps est occupé à autre chose. Et les éleveurs ont rarement l’obligation de les isoler les uns des autres. Ce sont des animaux grégaires qui vivent en troupeau, et n’ont pas pour préoccupation principale la destruction du troupeau qui constitue leur véritable famille. Comme beaucoup d’autres animaux les taureaux peuvent être amenés à réagir lorsqu’ils se sentent menacés ou que leur territoire est envahi. Cela arrive même à des vaches qui n’ont rien « de combat » ! La réaction première de ces animaux dans la majorité des case reste la fuite et l’évitement. Seule une minorité est jugée par les éleveurs et organisateurs de corridas apte à être présentée dans les arènes, et parmi cette minorité les cas sont fréquents d’individus cherchant avant toute chose à fuir leur tortionnaire et à s’échapper de l’arène ; allant jusqu’à tenter (et parfois réussir) de sauter au dessus des palissades pour chercher une issue par le calejon ou dans les gradins  !

Un taureau peut également interagir pacifiquement avec l’homme, il n’est pas condamné à l’agression et au combat. Le cas désormais célèbre de Fadjen (http ://www.sauvons-un-taureau-de-corrida.com/), ce taureau qui a fêté il y a quelques temps son 4ème anniversaire (et est arrivé à l’âge où ses congénères survivants sont destinés à agoniser lentement dans les arènes) est là pour montrer la force du lien qui peut unir ce si noble animal et l’homme.

« l’homme ne l’a jamais vu » : taureaux et éleveurs vivent donc dans des univers séparés ? Jamais le taureau ne reçoit donc de soins vétérinaires au cours de son existence ? Jamais l’homme n’intervient sur son territoire dans un but d’entretien ou pour le nourrir en complément de l’alimentation disponible sur place ? Jamais un organisateur ou un torero ne vient rendre visite à un élevage, regarder un troupeau ou jauger des qualités et réactions de ses éventuels futurs adversaires ? On touche là au ridicule…

C’est chaque mot, chaque phrase de ce tract heureusement court qui pourraient ainsi être soumis à la critique et à la réfutation.

Finalement, à Fréjus, dans les tracts de désinformation comme sur les affiches ou dans le déroulement des spectacles tauromachiques, c’est la confusion et l’erreur qui règnent. Même si ils prétendent célébrer ainsi un « toro brave » fantasmatique, les aficionados ne méritent pas de « bravos » !