Alors que la quasi-intégralité des séances de torture espagnoles ont été annulées cette année en raison de la situation sanitaire que nous connaissons depuis plusieurs mois (les médias parlant d’année blanche pour la corrida ibérique), il était trop difficile pour le petit monde de la torturomachie français de donner la priorité à l’intérêt général, à savoir la préservation de la santé de la population.

Non, le besoin d’effusion d’hémoglobine et d’acharnement à l’arme blanche sur un herbivore était plus fort que tout.

Plusieurs arènes ont donc ouvert leurs portes à un public s’asseyant ouvertement sur toutes les préconisations et mesures de sécurité sanitaire, élus en tête, tels Robert Ménard à Béziers ou Patrick de Carolis à Arles.

Et puisque l’on évoque ces deux villes, des éléments et déclarations à caractère financier apparus avant ou après la tenue des spectacles sanglants interpellent.

Explications.

Béziers : la grosse ficelle de la corrida caritative

On pensait qu’il était usé jusqu’à la corde, mais apparemment non. Le stratagème de faire passer la torture d’un bovin pour une œuvre de bienfaisance est encore d’actualité à Béziers. L’argent généré par la tenue d’une corrida lors du week-end du 15 août dernier a été, selon les organisateurs, reversé à l’hôpital de la commune. Un hôpital pas du tout regardant sur l’origine et l’éthique des fonds qui lui sont versés, contrairement à d’autres organisations (Restaurants du cœur, Fondation Abbé Pierre, etc.) qui, par le passé, ont refusé de servir de caution morale à la tenue de sévices graves et actes de cruauté. Malheureusement, il ne s’agit pas d’une première pour cet établissement.

Au-delà de l’aspect moral, deux questions se posent d’un point de vue financier.

  • La première est de savoir si les fonds versés à l’hôpital compenseront les dépenses de santé supplémentaires que la tenue de cette corrida aura générées. Selon plusieurs témoignages, les règles de sécurité élémentaires prescrites depuis le début de cette pandémie (port du masque, distanciation sociale) ont été allègrement ignorées par nombre de spectateurs. Ceux-ci ont, de ce fait, toutes les chances d’avoir été des porteurs et diffuseurs en puissance du coronavirus dans les semaines qui ont suivi, assurant ainsi à l’hôpital de Béziers l’arrivée de nouveaux cas à traiter.
  • La seconde est on ne peut plus triviale : comment la tenue d’une corrida à laquelle a été imposée des restrictions au niveau du nombre de spectateurs potentiels, a-t-elle pu générer des bénéfices (le milieu taurin biterrois avançant la somme de 300 000 euros) alors que depuis des années ces spectacles sanglants sont à l’origine de déficits abyssaux pour l’organisateur local ?

Comme nous l’avons maintes fois souligné, la société de Robert Margé, en charge de l’organisation des corridas biterroises, est un modèle de catastrophe financière, l’amenant à des tentatives de fraude à la TVA à hauteur de 800 000 € pour renflouer ses caisses. Initiatives mises en échec par l’administration fiscale, ce qui a débouché sur un placement en procédure de sauvegarde de ladite société. Depuis, Robert Margé prend soin, à l’image de Simon Casas à Nîmes, de ne plus déposer ses comptes au greffe du tribunal de commerce. Les créanciers de la société du plateau du Valras ont un sacré souci à se faire.

Arles : la méthode Coué

À Arles, trois séances sanguinolentes furent proposées par la société de Jean-Baptiste Jalabert. Ce dernier reconnut après coup que le public n’avait pas été au rendez-vous, avec seulement 11 000 entrées pour l’ensemble du week-end. Mais il précise dans le même temps que l’essentiel est que les aficionados aient pu se retrouver, et que les comptes seront justes mais à l’équilibre.

Diantre ! Avec une moyenne de spectateurs de l’ordre de 3 500 entrées par séance de sévices graves, Jean-Baptiste Jalabert est capable de terminer avec un résultat équilibré. Quel dommage qu’il n’ait pu par le passé mettre ses qualités de gestionnaire exceptionnel au service de la société de son père, la SAS Jalabert Frères qui, malgré une moyenne de fréquentation plus élevée, de cadeaux financiers conséquents de la part des collectivités territoriales (80 000 € à 90 000 € de subventions certaines années) et le détournement de TVA à hauteur de près d’un demi-million d’euros, a eu pour seule alternative économique la liquidation judiciaire.

Grands incompétents ou fraudeurs récidivistes ?

Selon leurs organisateurs, nous avons donc été en présence de corridas au public plus que restreint mais qui ont pu pour autant générer des bénéfices ou être à l’équilibre d’un point de vue financier. Comment expliquer dès lors toutes ces années où Robert Margé à Béziers et Luc Jalabert à Arles enchaînaient déficit sur déficit ?

Principalement de trois manières :

  • soit ces individus étaient des dirigeants d’entreprise dotés d’une incompétence exemplaire ;
  • soit une grande partie de leurs recettes n’étaient pas déclarées ;
  • soit les organisateurs actuels sont des menteurs en puissance.

L’arbre qui cache la forêt

Il est cependant un élément qui mettra tous les businessmen de la torture tauromachique, anciens comme nouveaux, d’accord : peu importe que la corrida ne rapporte rien, elle permet en parallèle de tremper les mains dans le pot allègrement rempli de la Politique agricole commune européenne.

On retrouve ainsi les mêmes acteurs à la tête d’élevages où l’argent public (la PAC est financée par les états membres, donc par les impôts des citoyens de ces états) coule à flot.

À titre d’exemple et pour bien se rendre compte, Robert Margé a bénéficié en 2019 de 272 878 € de subventions pour son seul domaine basé à Vendres, dans l’Hérault.

De la même manière, Jean-Baptiste Jalabert s’est vu octroyer 143 607 € par l’entremise du Mas de la Chassagne familial. Tout ce petit monde possède bien entendu des participations dans d’autres élevages, ce qui lui permet de rentabiliser au maximum cette manne financière.

« Si vous n’aimez pas la corrida, ne vous y rendez pas, mais n’empêchez pas ceux qui aiment de s’y rendre. » Voilà le sempiternel commentaire que nous entendons à chaque fois que nous dénonçons cette barbarie.

Commentaire auquel nous répondons aujourd’hui : « À l’image des trois quarts des Français, nous n’aimons pas la corrida, nous ne nous y rendons pas, et nous aimerions que nos impôts ne servent pas à enrichir ses organisateurs. »

David Joly
Trésorier FLAC et No Corrida