Simone de Beauvoir a connu un moment de son existence quelques émois pour la corrida, découverte lors d’un séjour en Espagne.

A la demande insistante de sa compagne, Jean-Paul Sartre s’est déplacé à Marseille pour assister à un de ces spectacles (à l’époque Marseille était une ville taurine dont les aficionados étaient certains que la « tradition » y serait toujours glorieuse et vivace ; qui s’en souvient aujourd’hui ?), et contrairement à une idée reçue, le philosophe n’a pas aimé, mais alors pas du tout…   Jugez plutôt :

 « Il est honteux de parler de mauvais toros, tout autant que d’indigènes paresseux car enfin, ils ne nous demandent rien et on va les chercher. Vous m’aviez dit que le toro prenait part à la course. Mais il se désintéresse totalement de la question. Il est de fait que le toro idéal, celui dont le torero fait ce qu’il veut, est une sorte de saint-cyrien des taureaux, coléreux, héroïque, stupide, qui fonce partout. Ceux qu’on nous a montrés reculaient devant l’étoffe rouge en grattant le sol de leurs sabots et en mugissant lamentablement. Il y en a même un qu’on n’a pas pu tuer : il foutait le camp. Les bêtes saignaient tout ce qu’elles savaient et il fallait s’y reprendre à quatre fois pour les tuer. On leur arrachait l’épée inefficace plantée dans la nuque, on leur en plongeait une autre, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’ils tombent. Encore fallait-il alors les achever au couteau. Le public était sinistre : des Marseillais incompétents, préoccupés uniquement de cacher leur angoisse en gouaillant à tort et à travers. »

 Jean-Paul Sartre  -« Lettre au Castor »-