Diverses dispositions réglementaires, parfois très complexes, décrivent les cas de figure où les corridas sont légalement exemptées de TVA, à commencer par les hypocrites « corridas de bienfaisance ». Les lignes qui suivent présentent une synthèse des principaux cas de figure prévus par la loi. Afin d’en faciliter la lecture, nous avons adopté un format de type questions-réponses en évitant le plus possible tout vocabulaire trop technique.

Dans quels cas les corridas sont-elles exonérées de TVA ?

Quand elles sont organisées par la municipalité en régie directe pour animer la ville (c’est le cas par exemple des corridas de Bayonne, ce qui ne les empêche pas d’être lourdement déficitaires). De façon plus générale, quand elles sont organisées par un organisme à but non lucratif à caractère social et qu’elles rentrent dans le cadre de « manifestations de bienfaisance et de soutien », c’est à dire qu’elles procurent à l’organisateur des recettes inhabituelles permettant la réalisation d’un objet social (festivités, animations, etc.) ou facilitant la réalisation des buts poursuivis par l’organisme (par exemple une association d’anciens combattants qui organiserait une corrida pour aider les anciens combattants ; ou une corrida dont les bénéfices iraient aux enfants leucémiques comme à Rodilhan, etc.)

Ces corridas dites « de bienfaisance » que l’on voit apparaître régulièrement n’ont donc pas uniquement pour but de rechercher une caution morale alors qu’elles sont factuellement des spectacles de torture et d’agonie animale, mais aussi d’échapper tout à fait légalement à la TVA.

Le texte réglementaire précis est le suivant : « L’exonération est réservée aux seuls spectacles tauromachiques pouvant être regardés comme des manifestations de bienfaisance ou de soutien qui se définissent comme celles qui, faisant appel à la générosité du public, procurent à l’organisateur des moyens financiers exceptionnels permettant de faciliter la réalisation des buts poursuivis. »

Quelles sont les limites qui s’appliquent pour les corridas organisées en régie directe ?

L’exemption de TVA ne s’applique que dans la limite de 6 manifestations de bienfaisance ou de soutien par an, qu’il s’agisse ou non de corridas. Par exemple, si deux concerts de rock et un gala de danse « de bienfaisance » ont déjà été organisés par la municipalité, il ne restera plus que trois manifestations tauromachiques susceptibles d’être exonérées.

Est-ce que cela concerne ou pas toutes les corridas organisées (officiellement) par des associations à but non lucratif ?

  • Non, si l’activité habituelle de l’association est d’organiser des corridas (forcement payantes).
  • Oui, si l’organisation de corridas n’est pas l’activité habituelle de l’association, et qu’exceptionnellement, ponctuellement, elle organise une corrida payante.

Les clubs taurins sont un cas à part. Leurs corridas ne peuvent pas être exonérées car cela relève de leur activité habituelle et leur caractère social n’est pas établi. La fourniture de l’ensemble des éléments nécessaires à la réalisation des corridas (toreros et membres de la troupe, taureaux, chevaux, transport…) constitue une prestation unique relevant du taux normal de la TVA. Ce taux s’applique donc à la totalité de la prestation, y compris à la fourniture des taureaux qui en est une composante. Le taux intermédiaire de TVA s’applique à la vente à la boucherie des taureaux qui périssent dans les corridas.

Texte réglementaire : « L’exonération leur est refusée lorsque ces manifestations payantes et ouvertes au public sont organisées à titre habituel par l’association. En revanche, l’exonération sera accordée (dans la limite numérique annuelle prévue TVA-V-1500), lorsque l’association organise, à titre exceptionnel, une manifestation payante au cours de laquelle est pratiquée l’activité qui habituellement est exercée dans le cadre des réunions non payantes ».

Qu’en est-il des toreros qui se produisent dans les arènes ? Soumis ou pas à la TVA ?

Lorsqu’ils se trouvent dans la situation de salariés à l’égard de l’organisateur ou du fournisseur du spectacle (ou, éventuellement, du matador, pour les membres de la troupe), les matadors et autres personnels se produisant dans l’arène sont considérés comme non assujettis à la TVA.

On voit, de ce fait, qu’il n’y a rien d’anodin à ce qu’un organisateur de corrida choisisse de programmer des toreros dont il est également l’apoderado (c’est-à-dire l’agent). Les émoluments de ses derniers se retrouvent ainsi exemptés de TVA. Cela dit, si le matador est salarié, il ne paye pas de TVA (c’est le cas pour tous les salariés).  Mais son employeur, l’apoderado, paye des cotisations sociales, qui sont plus élevées que la TVA. Donc, il ne fait aucune économie, au contraire ça lui coûte plus cher.

Citons à titre d’exemple l’incontournable Simon Casas (en charge des arènes de Madrid, Nîmes, Valencia, Zaragoza et Alicante), apoderado de Lea Vicens et de Sébastien Castella.

Question subsidiaire : pendant des années, Casas, Margé et la famille Jalabert ont sciemment fraudé le fisc en payant une TVA réduite. Pourquoi n’ont-ils jamais tenté de faire passer l’organisation de toutes leurs corridas par des associations 1901 plus ou moins de circonstance et qualifiées « de bienfaisance » afin d’éviter de payer toute TVA légalement ?

Parce que ce serait alors l’activité habituelle de l’association (organiser des corridas payantes), donc aucune exonération possible, et le caractère de « manifestations de bienfaisances ou de soutien » ne pourrait être retenu. De plus, les organisateurs privés comme Casas, Margé et Jalabert exercent cette activité à titre professionnel, dans un but exclusivement lucratif, et ne rentrent donc pas dans les cas de figure qui permettent une exonération. De plus, une association loi 1901 ne permet pas à ses membres de se rémunérer et de partager le profit.

Cela dit, Casas, grand maître en la matière, a tout de même essayé à plusieurs reprises tout au long de sa carrière de bénéficier d’une TVA réduite en organisant des corridas prétendument de bienfaisance, dès les années 90 ou encore en 2010 pour venir soi-disant en aide aux victimes du terrible tremblement de terre à Haïti (ce qui lui avait valu un redressement en 2013).

Sophie Maffre-Baugé (Colbac Anti Corrida Béziers) et Roger Lahana (No Corrida / FLAC)

Merci aux experts-comptables professionnels qui nous ont fourni des informations détaillées lors de l’écriture de cet article et en ont vérifié la version finale.