Au fil des mois, les investigations menées pour dévoiler au grand jour le financement des corridas dévoilent un nombre grandissant de malversations, irrégularités et manipulations fiscales ou financières. Cela n’étonnera personne.

Nous avons choisi de vous livrer un point ville par ville sur les éléments déjà rendus publics, et (grâce aux liens internet accessibles dans cet article) de permettre à tous d’en savoir plus sur chaque ville concernée.

Arles

La société organisatrice des corridas dans cette ville, Jalabert Frères, accuse un déficit répété, camouflé par plusieurs artifices comptables. Suivant une technique que l’on retrouvera utilisée par d’autres organisateurs et dans d’autres villes, un taux réduit frauduleux de TVA est appliqué afin de permettre à l’entreprise de décaisser le moins de TVA possible et ainsi de tenter d’équilibrer ses comptes… A l’étude des bilans comptables de cette société, il apparaît que celle-ci est en fait déficitaire, semble connaitre un problème de liquidités et paraît condamnée à plus ou moins court terme à un redressement fiscal d’envergure !

Bayonne

Un cas exemplaire, et effrayant ! La ville de Bayonne a cette particularité d’être directement organisatrice des massacres de taureaux perpétrés dans ses arènes, sur le mode de la régie directe. Les dépenses sont donc payées sur le budget de la ville, c’est-à-dire par les contribuables. Sur la période 2006-2012, Bayonne a accumulé rien moins qu’un déficit abyssal de 1,1 million d’euros quant aux spectacles tauromachiques. Des pertes que la réduction du nombre de corridas organisées et la baisse de leurs émoluments imposée aux toreros n’ont pas pu éponger en totalité, loin de là… une situation dénoncée par un rapport précis de la Cour des Comptes, que la municipalité bayonnaise fait mine d’ignorer. Le poids financier de la corrida et la charge représentée pour la communauté sont des éléments que le monde taurin tente évidemment de dissimuler. Et ce n’est pas la fréquentation des célèbres férias de Bayonne qui y changera quoi que ce soit : 96 % des participants des participants à ces fêtes ne vont pas voir de corrida !

Beaucaire

Comme dans beaucoup de villes, la corrida y est largement déficitaire. Impliquée dans l’organisation de ces spectacles sanguinaires, la municipalité de Beaucaire accuse un déficit cumulé de 676 000 euros sur cinq ans ! La mairie ayant récemment changée de main, c’est l’ancienne gestion municipale qui est épinglée, notamment via un rapport rendu par la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon qui indique notamment que la gestion de ces corridas « s’est avérée opaque, les délégataires successifs n’ayant produit aucun rapport sur leur gestion. » !

Béziers

Le Fisc a déjà commencé à s’intéresser au cas de Robert Margé, éleveur et organisateur de corridas dans cette ville. Une première condamnation est tombée : 241 000 euros de redressement au titre de l’exercice 2011. Une première étape, puisque les années suivantes le même subterfuge a été appliqué, soit (comme à Arles) l’application frauduleuse d’un taux réduit de TVA. Les exercices 2012 et 2013 laissent apparaitre une fraude portant sur pas moins de 407 000 euros ! Ainsi que dans d’autres cas, une fois la TVA correctement calculée (et remboursée au Trésor Public… donc à la communauté lésée par ces carambouilles), les bilans de l’entreprise deviennent bien moins attrayants et les résultats nets de l’organisation de corridas deviennent déficitaires…

Nîmes

A Nîmes aussi, déficit chronique des corridas sur fond de malversations fiscales.  C’est le plus connu des organisateurs français de corridas, Simon CASAS, qui est concerné. Là aussi, la TVA et l’application illégale d’un taux réduit sont au centre de manipulations comptables et fiscales qui viennent difficilement masquer une situation financière catastrophique. Les montages financiers sont particulièrement complexes, impliquant l’apport et l’intervention d’une société étrangère également dirigée par Simon CASAS. Fonds propres en négatif, redressement fiscal, comptes de l’entreprise non déposés dans les délais légaux… La situation de Simon Casa Poductions paraît être celle d’une entreprise au bord de la dissolution.

Palavas-les-Flots

Si nous ne pointons pas de malversation ou manipulation fiscale pour cette commune, elle constitue pourtant un cas particulièrement scandaleux d’utilisation massive de fonds publics afin de soutenir la corrida, au détriment des contribuables. Dès 2008 la cour des comptes dénonçait dans un rapport : « Cette association (taurine), perçoit en effet plus du tiers de l’enveloppe globale destinée aux associations […] En dépit de l’augmentation de la subvention en 2009 (elle représente 31 % des produits d’exploitation), l’association taurine ne réussit pas à équilibrer ses activités […] ». « Le club taurin ne produit cependant aucun compte rendu de son activité […] » ! Une situation qui perdurera malgré ce rappel : en 2012 c’est 145 000 euros qui seront destinés à l’association tauromachique. Dans le même temps d’autres associations locales d’une toute autre utilité (pour la réinsertion, ou la protection de l’enfance) se verront accorder 0 euros. Même le CCAS local ne percevra que la moitié du montant accordé à la corrida ! Il semble que ces sommes n’aient pour autant pas pu empêcher la perte de vitesse de la corrida à Palavas, qui a réduit le nombre de « spectacles » cette année.

Le bilan est décidément accablant pour la corrida et ses réseaux. On peut également s’interroger pour les sociétés concernées, sur la responsabilité des comptables, experts-comptables et autres commissaires aux comptes… D’autres éléments nous laissent à penser que ces cas ne sont pas isolés et que des situations déficitaires dissimulées et autres tours de passe-passe comptables ou fiscaux vont apparaitre au grand jour, notamment en examinant le cas d’associations tauromachiques de plus petites envergures…

(Merci à Roger Lahana – vice-président du CRAC Europe – ainsi qu’à David Joly – vice-président de la Convention Vie et Nature pour leur formidable travail d’investigation et d’analyse.)