La tentation de la récupération a toujours animé les hommes. Bon, c’est sûr, jusqu’à présent, dans le recyclage des déchets, ça ne s’est traduit que relativement modestement  d’où la notion d’économie circulaire indispensable mais qui réinvente l’eau tiède. En revanche, en matière de réécriture de l’histoire (en bon français, on parle désormais de « story telling »), là, il faut bien reconnaître que nous autres modernes sommes à la pointe de l’innovation.

Et ce ne sont pas les fans de corridas qui me contrediront !  Tenez, quand les aficionados poètes ont vu le célèbre taureau de Lascaux peint sur une paroi de grotte il y a qq 15 000 ans , ça a été plus fort qu’eux : Il a fallu qu’ils se l’approprient avec une grande affiche sur les arènes de Nîmes « La tauromachie, patrimoine culturel français »

L’occasion était trop belle et le message prêt à l’emploi. Je résume :

Si nos lointains ancêtres Magdaléniens dessinaient des aurochs sur les parois de leurs cavernes, c’était parce qu’ils rêvaient secrètement de courir déguisés en clowns phosphorescents après ces bestiaux, pour leur planter dans les flancs les banderilles qui n’avaient pas encore été inventées. Si, si ! puisqu’on vous l’affirme !… C’est un peu comme si en inventant la roue, les Mésopotamiens s’étaient dit : Tiens, ça ferait un chouette supplice qui pourrait attirer du monde sur les places publiques, les jours de marché !…

Bien évidemment, l’image de ce taureau surgie du fond des âges n’appartient à personne. Mais qu’elle serve de propagande afin d’amener le grand public à croire que la corrida est née au paléolithique, c’est tirer un peu fort sur la muleta. D’autant que Montignac, ville qui recèle les fameuses fresques de Lascaux, est tout de même l’une de rares municipalités de France à s’être ouvertement déclarée “anti-corrida”. Il fallait donc oser un tel grand écart autant temporel que sémantique.  Les amoureux de la mise à mort spectacle en costume à paillettes l’ont fait.

Cet exemple illustre que notre époque ne peut plus se passer de la communication ; l’essentiel consistant à occuper le terrain et à faire feu de tout bois. De là à songer que la communication s’apparente volontiers à la bêtise à front de taureau, il n’y a sans doute pas l’ombre d’une queue de vache…

Denis Cheissoux

à écouter sur le site de France Inter

Ou retrouvez l’édito intégral ci-dessous.