Voilà un comportement qui va en surprendre plus d’un : alors qu’il est connu dans le monde de l’aficion comme quelqu’un d’extravagant et muni d’un caractère bien trempé, Robert Margé est pris subitement d’une envie de discrétion. Oh, pas pour la promotion de son élevage de victimes destinées à la torture, mais pour les comptes annuels de la SAS du Plateau de Valras dont il est le dirigeant et qui bénéficie de l’organisation des corridas dans les arènes de Béziers depuis de nombreuses années, dans le cadre d’un accord avec la SA des Arènes de Béziers, qui loue les arènes à la ville, qui les sous-loue à la société de Margé.
Des comptes (presque) confidentiels
En effet, en déposant les comptes de son exercice 2016, cette société a eu recours à une déclaration de confidentialité. Késaco ? Depuis le 7 août 2016, les entreprises françaises peuvent demander à ce que leur compte de résultat, déposé obligatoirement avec d’autres documents officiels, ne puisse plus être visible par tout un chacun dès lors qu’il en passe commande auprès du greffe du tribunal de commerce. Une mesure mise en place par le ministre des Finances de l’époque, un certain Emmanuel Macron.
Dès lors, la question est la suivante : quels sont les éléments dérangeants que Robert Margé veut garder confidentiels ?
Le chiffre d’affaires de sa société qui fond comme neige au soleil ? On peut en douter, car il a indiqué lui-même dès le mois d’août 2016, dans les colonnes du Midi Libre, une baisse de fréquentation des arènes de 25 %. À moins que la baisse réelle soit beaucoup plus conséquente et donc inavouable.
Autre hypothèse : cacher une aide extérieure qui serait venue compenser cette baisse substantielle de chiffre d’affaires. Une aide qui prendrait la forme, à tout hasard, d’une subvention municipale. Robert Ménard, l’édile local, a plus d’une fois affiché ouvertement son soutien à la tenue de corridas au sein des arènes biterroises, tentant même de les légitimer par la tenue d’une messe catholique. Ce pourrait donc être une hypothèse tout à fait plausible.
Le problème, c’est qu’à ce jeu des suggestions, nous pouvons tout imaginer car l’unique objectif de ce nouvel outil de confidentialité du compte de résultat est bel et bien de tenir secret ce genre d’éléments qui deviennent très délicats lorsqu’ils sont connus.
Fort heureusement, il reste encore un peu de transparence financière dans ce pays (pour le moment) et si, nous, combattants de la barbarie des arènes, devons désormais nous passer de certaines informations concernant les organisateurs de sévices graves et actes de cruauté sur bovins, il en reste d’autres qui continuent de nous apprendre des choses bien intéressantes.
En effet, si le principe de confidentialité ne permet plus d’avoir le détail du résultat dégagé au cours d’un exercice, il n’empêche aucunement de connaître le montant de ce résultat, puisqu’il est inscrit noir sur blanc au sein du bilan qui, lui, reste accessible publiquement.
446 455 € de perte en 2016
Et c’est là que nous trouvons un début d’explication à la volonté de Robert Margé de dissimuler la performance de sa société réalisée en 2016 : une perte de 446 455 €. Oui, oui, vous avez bien lu : cette activité indispensable au tissu économique local (dixit les rentiers de la torture) est à l’origine de presque un demi-million d’euros de déficit sur la seule année 2016.
Autre document toujours consultable : le traditionnel rapport du commissaire aux comptes. Ce dernier nous révèle l’origine d’une bonne partie de cette perte abyssale : une provision de 204 000 € correspondant à la TVA encaissée par la société en 2014 et indûment conservée. L’année précédente, la SAS du plateau de Valras s’était dispensée de constater cette provision. Cette comptabilisation signifie en tout état de cause un fait très simple : au 31 décembre 2016, le Trésor public n’avait toujours pas récupéré la somme qui lui est due depuis deux ans.
Et plus de 710 000 euros de TVA à rembourser
Qu’est-ce qui a donc pu motiver la société de Robert Margé à provisionner cette somme ? La réponse se trouve potentiellement dans un autre élément constituant les comptes annuels : l’annexe du bilan. Il s’agit d’un document indiquant diverses informations relatives à certains postes du bilan et du compte de résultat. Au sein de cette annexe figure un tableau intitulé « Charges à payer » qui liste, selon leur nature, l’ensemble des provisions comptabilisées, autrement dit des charges non échues et non réglées au 31 décembre.
Dans cette liste se trouve une ligne intitulée « Charges à payer CF 2016 » et valorisée à hauteur de 710 481 €. Que faut-il entendre par « CF » ? Contrôle fiscal ?
La trésorerie de la société ayant fondu de presque 300 000 € en un an, il n’est pas impossible que Robert Margé ait réglé, totalement ou en partie, les 403 000 € de fraudes à la TVA relatives aux années 2012 et 2013 et redressées par le fisc en 2014. Il resterait alors encore cette somme de 710 481 € à solder.
Quoi qu’il en soit, cela va s’avérer être une mission très compliquée avec un peu moins de 400 000 € dans les caisses.
Vous l’aurez compris : il suffit que Bercy exige le recouvrement de sa créance et la société de Robert Margé est liquidée sur le champ.
Pourquoi un tel attentisme après cette multiple récidive avérée ? La FLAC (Fédération des Luttes pour l’Abolition des Corridas), dont No Corrida est membre, a déjà posé la question par écrit au ministère concerné. À ce jour, le silence semble d’or.
David Joly
Trésorier de No Corrida
Excellent, merci pour ces explications dont je me réjouis.