En matière de corrida on invoque régulièrement la loi, l’exception culturelle, ainsi que les notions de patrimoines ou décisions du conseil constitutionnel. Il nous a semblé nécessaire de faire un point sur ces questions.

La corrida est légale !

Oui… et non.

En fait la corrida tombe sous le coup de l’article 521-1 du code pénal qui stipule que « le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. »

A ce titre ses organisateurs et participants humains sont effectivement des délinquants au regard de la loi et tombent sous le coup des peines prévues… Mais (car il y a bien entendu un « mais »), ce même article précise que « les dispositions (…) ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. »

Voilà ce qui fait que l’on aboutit en France à une situation grotesque où la corrida est punie de prison et amende sur 90 % du territoire mais exemptée de ces sanctions sur les 10 % restants. Une situation d’autant plus injuste pour les opposants à la corrida (et bien entendu pour ses victimes innocentes : les taureaux) que la loi ne remet pas en question le caractère cruel de cette pratique pour autant (ce qui serait absurde) mais se contente d’en exempter de poursuites pénales les coupables !

La corrida est constitutionnelle !

Non ! La corrida ne fait pas partie de notre constitution.

Le 21 septembre 2012, le Conseil Constitutionnel n’a pas statué sur le fait de savoir si oui ou non la corrida était « constitutionnelle ». Interrogé par des associations anticorrida, il a estimé que bien que cette pratique soit punie d’amende et prison sur la majeure partie du territoire français, le fait qu’elle soit autorisée à titre d’exception dans quelques villes et régions ne remettait pas en cause le principe d’égalité de tous les citoyens devant la justice. Plus précisément c’est cette partie citée plus haut de l’article 521-1 du code pénal et précisant que les dispositions ne sont pas applicables en cas de tradition locale ininterrompue qui a été jugée conforme à la constitution : « Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité doit être rejeté ; que la première phrase du septième alinéa de l’article 521-1 du code pénal, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclarée conforme à la Constitution ».

La corrida est inscrite au patrimoine français !

Pas tout à fait. En tous cas pas en ces termes…

La corrida a été inscrite à l’ « inventaire du patrimoine culturel immatériel » de la France par le biais d’une commission du Ministère de la Culture en avril 2011. Cette inscription a suscité de nombreuses réactions scandalisées à l’époque et, le temps aidant, il apparait désormais clair aujourd’hui que cette initiative a été portée par les organisations tauromachiques de manière discrète jusqu’à sa réalisation, tellement discrète que le Ministre de la Culture de l’époque, Frédéric Mitterrand, n’en a été informé qu’une fois l’inscription réalisée !

Pour en savoir plus sur cet inventaire, son but, et sa valeur quant à la corrida, le mieux est de prendre connaissance de la réponse du Ministère de la Culture à une question posée sur ce sujet à l’assemblée nationale :

« La convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adoptée dans le cadre de l’UNESCO en 2003, et approuvée par la France en 2006, fait obligation aux États parties à cette convention d’établir un recensement des éléments de patrimoine immatériel existant sur leur territoire. Il s’agit d’une démarche à visée scientifique, fondée sur la seule existence factuelle de ces éléments, et qui ne constitue en rien une forme de reconnaissance de la part de l’État, ni de promotion ou de mise en valeur particulière ; en soi, elle ne constitue aucune forme de protection juridique et reste sans influence sur les législations ou réglementations éventuellement applicables aux activités recensées. (…) L’inscription de la tauromachie sur la liste du patrimoine immatériel français se situe strictement dans le cadre de ces principes juridiques et scientifiques. Elle ne vise qu’à constater, sur la base de critères ethnologiques, l’existence de pratiques tauromachiques sur plusieurs parties du territoire français, et ne saurait en rien constituer, de la part de l’État, une forme particulière de reconnaissance de quelque forme que ce soit à l’égard de ces pratiques. Elle n’a aucun impact sur le régime juridique dérogatoire applicable à la corrida en France (…). Elle n’ouvre droit à aucun concours financier de la part de l’État, notamment sous la forme d’une subvention. Enfin, elle ne constitue pas la première étape d’une procédure d’inscription au patrimoine culturel de l’humanité, que le Gouvernement français n’entend pas soutenir auprès de l’UNESCO. »

On mentionnera également un autre élément important de cette réponse écrite, qui vient corroborer le caractère douteux des tractations et conditions ayant abouties à cette inscription : « Les débats que cette dernière a suscités mettent néanmoins en lumière la nécessité de mieux faire connaître les différentes procédures d’inscription, dont les éléments du patrimoine immatériel sont susceptibles de faire l’objet, et d’organiser de manière plus rigoureuse, sur le plan scientifique et juridique, leur mise en oeuvre sur le territoire français. C’est la raison pour laquelle le ministre de la culture et de la communication s’apprête à signer un arrêté créant un comité du patrimoine ethnologique et immatériel, qui le conseillera sur l’ensemble des questions relatives à l’application sur le territoire national de la convention de 2003. Il sera composé en majorité de personnalités qualifiées choisies en raison de leurs compétences dans le domaine du patrimoine ethnologique et immatériel et d’élus désignés par leurs associations représentatives. Les propositions d’inscription qu’il retiendra devront faire l’objet d’une approbation expresse du ministre. »

La corrida est au patrimoine de l’UNESCO !

Non ! Si vous avez été attentifs vous aurez remarqué que dans la déclaration citée plus haut du Ministère de la Culture, l’Etat français n’entendait pas soutenir un tel projet.

Le gouvernement espagnol, qui marche main dans la main avec le lobby tauromachique, souhaiterait lui en effet arriver à porter un tel projet jusqu’à l’UNESCO. Nous n’en sommes pas là, et rien ne laisse présager une réponse favorable de l’UNESCO à une telle requête, notamment en raison du fait que partout où elle est implantée, la corrida est contestée et génère de multiples oppositions, pétitions et manifestations demandant son abolition…

Si vous entendez ou lisez que la corrida est inscrite au patrimoine de l’humanité vous avez donc affaire dans le meilleur des cas à une personne ignorante ou mal informée, et dans le pire des cas à un mensonge éhonté.

Nous souhaitons que ces précisions vous permettent de mieux comprendre la situation de la corrida en France, et de démêler le vrai du faux des déclarations d’aficionados ou de leurs organisations.