Au sein du monde des amateurs de torture animale, il est de notoriété publique que Nîmes, Béziers et Arles font partie des places fortes de la tauromachie.
On y est surtout très fort pour frauder le fisc en pratiquant la rétention de TVA.
Plus d’une fois nous avons dénoncé les pratiques des organisateurs de sévices graves et actes de cruauté de ces communes qui, depuis des lustres, nous expliquent que la corrida est un moteur indispensable au tissu économique local.
S’il est vrai que des bénéfices peuvent apparaître, c’est uniquement grâce à l’argent public, versé sous forme de subventions par des élus aficionados, ou tout simplement détourné des caisses du Trésor public.
Et quand ces deux sources substantielles disparaissent, c’est le naufrage assuré pour celui qui en bénéficiait. Les frères Jalabert, à Arles, en sont devenus, en 2015, l’exemple parfait. Une année noire dont ils risquent de se souvenir pendant longtemps, tant les tuiles se sont accumulées (dont une était, comme nous allons le voir, plus que prévisible).
Le chiffre d’affaires a pourtant augmenté de 72 000 € par rapport à l’année précédente, ce qui se révèle prodigieux lorsque leurs compères de Béziers ou Nîmes ont connu, sur la même période, un recul respectif de leurs recettes de 12 % et 20 %.
Le souci, c’est que là où habituellement les collectivités territoriales arrosaient abondamment la société des frères Jalabert d’argent public (83 000 € en 2013, 91 000 € en 2014), elles ont, en 2015, annulé quasi-intégralement leur traditionnelle générosité (5 700 € « seulement »). À ce stade, on pourrait se poser la question de savoir si l’embellie des recettes susmentionnée ne correspondrait pas, au moins en partie, à un remplacement des subventions habituelles par des achats de places. Un classique subterfuge utilisé dans le monde de la corrida : pour ne pas choquer l’opinion publique en distribuant des subventions destinées à financer la torture, les élus achètent, sur le compte des collectivités qu’ils représentent, des places à l’organisateur. L’aide est ainsi noyée dans une ligne budgétaire autre que celle des subventions, et le résultat financier pour le bénéficiaire est exactement le même (les fameuses places achetées étant par la suite offertes gracieusement, quand elles ne vont pas directement à la poubelle).
Ainsi, le résultat d’exploitation de la société (c’est-à-dire le résultat dégagé uniquement par l’activité habituelle) se présente sous la forme d’une perte de 41 000 €.
Ce qui est déjà loin d’être fameux. Mais tout de même beaucoup mieux que le résultat final de la SAS Jalabert Frères, qui affiche, lui, une perte de 512 000 € ! Oui, vous avez bien lu : un demi-million d’euros.
Quelle est donc cette charge exceptionnelle qui est venue multiplier par 12 le déficit de la société ? On vous le donne dans le mille : les 481 000 € de TVA que les frères Jalabert avaient illégalement conservés et que le fisc vient désormais récupérer. Tous les recours ont en effet été épuisés et le 30 novembre 2015, la société a reçu un commandement de payer, d’où la prise en compte de la rectification de la fraude dans les comptes 2015.
Là, on se dit qu’enfin, contrairement à ce qui se passe à Nîmes ou Béziers, l’administration fiscale n’a pas accordé de régime de faveur et a appliqué comme il se devait les règles de la République. Pas tout à fait, car si la somme évoquée a bien été recouvrée, les frères Jalabert ont quand même pu bénéficier d’un échelonnement de remboursement de six mois. Étonnant quand les sommes dues devraient être dans les caisses de l’État depuis deux à quatre ans.
Toujours est-il que, pour la société, ce redressement sonne comme le glas. Son commissaire aux comptes ne s’y est d’ailleurs pas trompé en déclenchant, le 2 avril 2016, une procédure d’alerte. Comme les textes légaux et réglementaires l’indiquent, cette dernière est une obligation d’alerter les dirigeants et le Président du tribunal de commerce dont la société dépend qu’il existe des faits de nature à compromettre la continuité d’exploitation.
Qu’est-ce qui a motivé cette décision du commissaire aux comptes ? Le piteux résultat de l’année 2015 et le niveau catastrophique des capitaux de la société qui en découle. Mais également le fait que la SAS Frères Jalabert n’est plus bénéficiaire de la délégation de service public attribuée par la commune d’Arles dans le cadre des organisations de corrida, pour la période 2016-2019.
Est-ce à dire qu’il n’y aura plus de corridas à Arles ? Non, une autre société a remporté la délégation : la SAS Ludi Arles Organisation. Structure où parmi les associés, on retrouve Jean-Baptiste et Lola… Jalabert. Nul doute qu’ils pourront bénéficier des bons conseils de gestion de Papa.
Un choix de délégataire qui, d’ores et déjà, soulève une remarque : alors qu’il a été acté, de l’aveu même des associés de la SAS Ludi Arles Organisation, par une délibération du conseil municipal du 24 juin 2015, ladite société n’a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés que le 29 octobre 2015.
Autrement dit, le conseil municipal a attribué sa DSP à une structure qui n’avait pas encore d’existence légale. Pourquoi se gêner, après tout… Ce n’est ni la première ni la dernière fois, dans le monde de la tauromachie, que les lois et les règlements, c’est pour les autres.
David Joly
Vice-président de la CVN et membre de la FLAC
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